Après une demi-douzaine de films plus ou moins médiocres, ou du moins sacrément terne visuellement, voilà une totale révélation signé en plus par un cinéaste dont on attendait rien : Mou Tun-fei, le cinéaste sulfureux de Men Behind The Sun et Black Sun : The Nanking Massacre !
Loin de tout excès racoleur et voyeuriste, The end of the track est une drame grave qui fait preuve d'un incroyable sensibilité sans se vautrer dans le pathos. La mort tragique de son jeune héros le plonge dans une incompréhension faîte de culpabilité et d'incommunication. Il est littéralement hanté par cet événement et se sent responsable face aux parents de son camarade défunt. Il tente de les aider dans leur commerce de rue mais la mère le rejette durement tandis que le père éprouve une certaine empathie pour ses efforts. Quant à ses propres parents - et aux corps enseignant -, ils se semblent pas prendre conscience du déchirement qui s'empare de lui.
Un des points admirables de son traitement est le refus d'expliciter les sentiments et les états d'âmes. Il y a pour ainsi dire très peu de dialogue d'autant que ce garçon est bien incapable de formuler les émotions qui l'assaillent.
The end of track transpire de ses douleurs muettes qui marquent plus profondément que les grands discours larmoyant ou les séquences mélodramatiques. Le malaise de héros se traduit par ses tentatives maladroites de rapprochement et de compréhension qui, si elles ne pas strictement émouvantes, dégagent un spleen bouleversant et une tendresse déchirante. Le scénario ne joue pas la facilité d'ailleurs et ne cherchent pas à résoudre tous les conflits, les traumatismes étant trop profonds. La gêne des parents n'osant porter secours à leur fils secondant les restaurateurs itinérants ou la chute de l'enseigne sont parfaitement logiques et cohérents face à un deuil impossible à courte échéance..
De plus, la forme est en parfaite adéquation avec le propos avec une formidable gestion du scope noir et blanc. Les extérieurs privilégient les plans larges, et donc le vide, ainsi que les décors dépouillées. La prédominance de la nature est aussi révélateur d'un chemin vers une sérénité et une paix intérieure dont le héros ne prend pas forcément conscience.
Le montage n'hésite pas non plus à appuyer son désarroi avec des accélérations parallèles et syncopées, faisant resurgir des brides de souvenirs.
Pour une œuvre de jeunesse, la maturité plastique et thématique est formidable, même si les maladresses ne sont pas exclues (musique répétitive, première partie un peu trop longue même si l'errance est indispensable pour introduire le drame à venir). Malheureusement le film fut tout simplement interdit par la censure taïwanaise : on pense à l'un des rares monologue du héros qui dénonce l'hypocrisie des valeurs apprises à l'école et il est possible d'imaginer que la relation entre les deux amis dépassent la stricte amitié platonique.
Ce ne fut pas la seule mésaventure de Mou Tun-fei avec le pouvoir et il en sortit terriblement peiné d'autant qu'il avait alors une véritable foi dans le cinéma. Peut-être est-ce que cette rancœur se mua en pure misanthropie cynique qu'on retrouvera dans sa période hong-kongaise ?
End of the tracks fut longtemps considéré comme perdu mais une copie a été retrouvé il y a peu et fut restaurée dans la foulée.