La citation liminaire de The Endless est riche de promesses : “The oldest and strongest emotion of mankind is fear, and the oldest and strongest kind of fear is fear of the unknown” : mettre son film sous le patronage d’un maître, qui plus est lorsqu’il s’agit de porter un récit à l’image est forcément réjouissant.
Le binôme de réalisateurs, qui incarne les deux rôles principaux s’engage donc sur une route tortueuse, au fil de laquelle il s’agira d’émouvoir sans trop révéler, de maintenir un mystère tout en suggérant suffisamment pour renouveler le désir.
Pari difficile, notamment dans cette obscure histoire qui commence pourtant très bien, à la faveur de deux obscurités encadrant de façon étouffante l’intrigue : un passé qu’on nous révèle par bribes, perdu dans les brumes de l’enfance, avant un retour vers une communauté qui, bien évidemment, a aussi bien des choses à cacher. Ce point de déséquilibre où se situe le binôme qui plaque sur ces gens les idées reçues qui pourraient bien être celles du spectateur, entre fascination et répulsion, est l’entrée idéale dans ce singulier univers.
Bien entendu, quelques poses affleurent – comme ce recours un peu trop systématique au ralenti -, et des figures stéréotypées de personnages trop bienveillants pour ne pas susciter la méfiance. Mais les premières manifestations du paranormal (belle séquence de la corde se perdant dans le ciel nocturne, une séduisante jeune femme qu’on nous présente comme une potentielle pédophile, invitant à questionner les apparences) restent dans le ton et donnent une réelle épaisseur au mystère
The Endless fait souvent penser à la série Lost : une multiplication des pistes, une habileté indéniable pour faire vibrer la curiosité, mais une trop grande prise de risque qui finit par se prendre les pieds dans le tapis. Les révélations attendues ne sont clairement pas à la hauteur. Passons sur l’intérêt relatif du dispositif lui-même, c’est plutôt les incohérences autour de lui qui posent problème, et la manière assez laborieuse dont on s’embourbe pour tenter de justifier des éléments contradictoires.
(dans une boucle temporelle, tout s’efface, dans l’autre, un vivant cohabite avec son double pendu ; on n’explique jamais les motivations du leader à ne pas prévenir les autres, et l’intérêt qu’il pourrait avoir à les intégrer dans la malédiction, ni le fait que le monde extérieur a connaissance de leur existence sans que ça pose de problème à quiconque…)
Il en va de même pour la fin, qui reprend les rails d’un format assez proche d’un téléfilm. On pensait toucher du doigt un univers proche de celui d’un Twin Peaks ou d’un Richard Kelly, il n’en sera malheureusement rien.
Reste que ce binôme, formé au cinéma de genre, semble avoir semé bien des promesses, et qu’on est en droit d’attendre la suite de leurs explorations, en leur souhaitant de sortir encore davantage des sentiers balisés ; ce à quoi se résume finalement la trajectoire des deux personnages qu’ils incarnent, osant la ligne droite et frontale pour quitter une routine mortifère.