The Dig Picture
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le 22 févr. 2023
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Qui n’a pas grandi avec son « tonton » Spielberg favori ? Les dernières décennies ont été marquées par un monopole conséquent des studios américains à l’international et des auteurs qui y travaillent, mais il n’en existe pas deux comme lui en ce monde, qui ne sont pas près de disparaître. À l’origine des blockbusters, des effets visuels révolutionnaires, notamment dans le développement des animatroniques, Steven Spielberg arrive au croisement de sa propre mythologie. Si on le loue comme un digne héritier de Frank Capra, la performance du cinéaste et auteur a toujours trouvé une issue à la créativité, réinventant ainsi chaque pan classique du cinéma hollywoodien. Ce n’est donc pas pour rien qu’on le redécouvre aussi rêveur et toujours aussi animé par une jeunesse éternelle. Accompagnées de Tony Kushner, qui l’a soutenu de « Munich » à l’ultime relecture de « West Side Story », en passant par « Lincoln », les œuvres de Spielberg se révèlent toujours aussi intergénérationnelles, ce qui nous rassemble autant dans l’intimité de son Hanouka que son épanouissement personnel, vers un art dont il va peu à peu découvrir son potentiel magique et émouvant.
L’image est une note d’intention, tandis que la succession de 24 d’entre elles à la seconde constitue un nouveau langage. Le jeune Sammy (Mateo Zoryon Francis-DeFord) l’apprend au visionnage de son premier film, en famille et simultanément dans une expérience solitaire, qui le conduira inévitablement à recomposer le spectacle qui l’a séduit et à le rembobiner par fascination. Mais au-delà de cette fable sur l’amour du cinéma, le film commente les premières limites de l’enfant avec ce medium, qui peut cacher des maux dans un coin du cadre, comme dans un coin de son esprit, mutilé par le divorce de ses parents. Sa mère, Mitzi (Michelle Williams), est une pianiste aguerrie, tandis que son père, Burt (Paul Dano), est un ingénieur en informatique. Leur amour transpire dans les premières réunions familiales, avant que tout vienne s’éteindre dans la douleur, celle d’une fuite en avant, la même qui rapproche Sammy (Gabriel LaBelle) et sa famille de l’ouest, et le héros de sa passion cinématographique.
Son étape en Arizona lui accorde toute une multitude de compétences créatives, qu’il est bon de renouer, notamment avec une audience qui finit par devenir des personnages à l’écran et dans le récit. Tout culmine vers le carrefour de sa vie, à la croisée des courts-métrages de western et de guerre, où le fait de filmer sa famille donnera lieu à des révélations incandescentes pour son jeune esprit, torturé par sa passion. La lentille lui révèle donc les détails de ses conflits avec sa mère et le film lui fait un hommage avec grâce, car il semble toujours nécessaire de rechercher le pardon, derrière cette furie qui l’anime et qui le conduira dans les plus grands studios de la côte ouest. Il se compare inconsciemment avec sa mère, dont le dilemme et les enjeux restent les mêmes. On le voit mal se séparer de ses sœurs ou de son foyer pour vivre les quatre cents coups, c’est pourquoi Spielberg se donne une seconde chance, dans une seconde jeunesse, où sa caméra constitue le vecteur de toutes ses relations.
Cette nouvelle pierre à l’édifice conforte un mouvement d'introspection, où certains cinéastes ont également usé de leur talent cinématographique pour sonder leur enfance, ainsi que l’environnement d’une époque, parfois pivot vers une carrière enviée par les cinéphiles. Cette signature est loin d’être contreproductive, sachant les nombreux portraits fantasmés de personnalités disparus. L’appel de l’authenticité et d’un commentaire personnel, voire innocent sur son enfance, permettent de se frotter à une réalité esquivée ou arrachée, pourvu que les cinéastes puissent momentanément s’effacer, afin de laisser la plus sincère des transparences au spectateur. Le cinéaste n’hésite donc pas à revisiter le teen movies dans un lycée modeste, jusqu’à jouer des clichés, allant des élèves les plus athlétiques et virulents, à l’amourette passagère, qui pousse Sammy à trouver la maturité dans sa vie et son art, tantôt mélancolie, tantôt héroïque.
Après la sensation d’Alfonso Cuarón, ce sont James Gray et Alejandro González Iñárritu, qui sont récemment revenus sur une chronique que leur vie respective, où la famille se déchire et se réconcilie. De la même manière, « The Fabelmans » ne s’écarte pas de cette structure, mais Spielberg préfère jouer sur le terrain du rêve et des contes (Once Upon A Time In Hollywood), afin de sublimer ses souvenirs. Le maître signe ainsi son portrait personnel par la fiction, avec la naïveté des codes qui ont fait son succès. La réussite est totale, car le réalisateur est conscient de l’empreinte laissée par son film, qui a tout d’un récit initiatique et universel dans son élan. Une caméra Super 8 à la main, le regard dans la mise en scène et l’énergie d’un jeune homme, convaincu par ce qu’il croît, métamorphose ce dernier en un artiste, qui possède la sensibilité de sa mère et l’intégrité scientifique de son père.
Il y a dans ce film tout ce qui nous a rapprochés du cinéma. Spielberg le célèbre ainsi avec élégance, émotion, sincérité et en profite pour hurler tout son amour à ses proches. Sa dernière réalisation transcende alors la réalité, où la nature devient un décor et ses sujets vivants deviennent des personnages, ayant leur propre histoire, leur propre fin et leur propre volonté. À ce jeu, il prouve qu’il domine de bout en bout son sujet, sans pointer du doigt les émotions, reçues avec spontanéité par le public. Son parcours n’a pas à être démonstratif et s’inscrit dans une représentation bouleversante de sa vie et sa culture de l’image. Sa vocation, il l’a donc trouvé dans les salles obscures, dans un premier souffle, un premier frisson, un premier émoi, un premier échec et une première victoire. Tout cela réunit, donne lieu à de la pure fascination, de l’envie, de l’amour... et du cinéma.
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Créée
le 20 oct. 2022
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