Mutation du corps en saignant
C’est quand même flagrant ; Rodriguez a bien changé. Et moi aussi.
Si moi j’ai gagné en barbe et en charisme depuis la douce soirée d’été en pleine fête du cinéma de juin 1999 au cours de laquelle je vis le présent film pour la première fois, qu'en est-il de l’ami Robert ?
Eh bien, alors que désormais Bob éponge un peu tout ce qui lui passe par le gosier dans le sens du départ pour l’étaler sur pellicule, il fut un temps —et on l’avait presque oublié— où il était capable de filmer très efficacement et plutôt proprement un film de commande tout en lui insufflant un peu de sa culture et de ses influences ; et sans être quelque chose de vraiment personnel, ça avait au moins le mérite d’avoir une certaine identité. Pas comme cette histoire de machette torchée par un manchot ayant atterrie tel un étron sorti d’un trou du cul dilaté en octobre dernier.
Plus qu’une évidente redite de Bodysnatchers, The Faculty c’est un peu la folle journée de Ferris Bueller sauce B ; d’ailleurs la première scène au lycée post introduction évoque assez irrésistiblement l’ouverture d’un Parker Lewis, avec portraits de personnages introduits par de petits sketchs brassant la plupart des archétypes lycéens et une typo à l’esthétique 90’s qui suinte le grain VHS / MTV de derrière les chaumières.
Ajoutez à ça des visages connus ou en passe de l’être avec 15 ans de moins : Robert Patrick (psychopathe professionnel depuis 1991), Josh Hartnett (qui aurait intenté un procès contre son coiffeur, dont le beau frère le coiffa de nouveau sur Virgin Suicide pour le venger), Elijah Moule et même Famke Janssen sont là pour rappeler que le temps passe et que la fraicheur c’était mieux avant. On regrette aussi que Salma Hayek, dans le rôle de l’infirmière, reste habillée sous sa blouse.
Sinon, c’est frais et référencé tout ça. Rodriguez se fait plaisir et signe un film estival comme on n’en fait plus beaucoup. Une transposition Bis de John Hughes, une invasion extra-terrestre passant par le bahut d’une petite bourgade avec paranoïa ambiante qui trimballe ses guests au milieu de citations de Carpenter : They Live pour le survival urbain parano, The Thing ne serait-ce que pour le test à la poudre, et Mouth of Madness pour ses relents lointains d’influences Lovecraftiennes. Difficile par ailleurs de ne pas penser à Hidden. Et si tu as aimé le cinéma fantastique des années 90 aussi, savoure le clin d’œil à Species (La Mutante).
Evidemment, ça reste un teen movie, mais le bon dosage de tension et de sincérité de réalisation couplé à pas mal de scènes efficaces dans leur registres (paranoïa, poursuites, ou comiques à l’image de celle avec les parents de Casey) en font un petit mutant sortant du lot de productions horrifiques adolescentes de sa décennie.
Une bonne surprise dans le sens où, le revoyant, j’ai pris beaucoup de plaisir à admettre des qualités que je ne lui soupçonnais pas ou plus. Un bon moment divertissant qui ne se fourvoie pas, sorte de porte étendard d’une certaine époque pour ce qu’elle avait à nous offrir de plus sincère par un réalisateur s’étant perdu en chemin depuis. Malgré le formatage sous jacent du produit, on sent encore l’amour de l’art.
C’est quand même flagrant…