The harder they fall

Il faudra un jour expliquer au masqué pourquoi Hollywood s'empare avec sauvagerie du vivier des séries télés pour les porter sur le grand écran. Surtout quand il s'inflige des oeuvres comme 21, Jump Street, Starsky et Hutch ou encore Alerte à Malibu, soit autant de sommets de bêtise et d'indigence que l'usine à rêves refourgue sous le travestissement de la comédie cynique et référentielle.

Car franchement, quel intérêt y a-t-il à payer pour utiliser une propriété intellectuelle passéiste du petit écran, si c'est pour mieux la vider de sa substance au point de toucher le non-sens, au mieux, ou au pire la trahison aussi révoltante qu'abjecte ?

Le masqué était ainsi persuadé que ce serait tout pareil pour L'Homme qui Tombe à Pic, nouvelle victime, en 2024, d'un violent passage à la moulinette de la crétinerie qui se croit drôle ou goguenarde.

Et il aura à moitié raison, car de la série originelle, à part Colt Seavers et sa profession de cascadeur, pas grand chose n'a survécu, son activité annexe de chasseur de primes en tête. Sans surprise donc.

Mais ce qui a suscité la curiosité du masqué et l'a attiré dans la salle, c'est la présence de David Leitch à la barre de l'entreprise. Soit l'un des papas de la saga John Wick, ou encore l'incarnation, pour beaucoup, d'une certaine idée du cinéma dégénéré que constituent ses opus suivants : Atomic Blonde, Fast & Furious : Hobbs & Shaw, Deadpool 2 et Bullet Train.

Et visiblement, David Leitch a eu envie de mettre en scène ses capacités et son panorama de cascadeur, ainsi que de donner une voie à toutes ces petites mains invisibles de l'industrie, dont l'activité est de plus en plus grignotée par les effets spéciaux visuels.

Et il le fait plutôt bien, l'animal, car si, encore une fois, la série originelle sera totalement dévoyée, ce sera pour offrir un film nerveux et rempli d'énergie, une comédie d'action dont le scénario est très proche de l'esprit d'une oeuvre qui aurait été écrite par Shane Black avant qu'il ne se perde avec The Predator.

Pour présenter une oeuvre un peu plus personnelle livrant un portrait certes un peu convenu du monde du cinéma, mais offrant aussi de manière sincère un aperçu de l'envers du décor, de ses acteurs et de son microcosme, envisagé à travers les yeux d'un punching-ball humain au charme fou. Et ambivalent. Car si le professionnel se relève toujours des cascades les plus dangereuses et inconsidérées, son apparent stoïcisme n'est que de façade, à l'image de son pouce levé, l'homme, quant à lui, affiche une véritable fragilité dès lors qu'il est incapable d'avouer ses sentiments.

Cette petite richesse supplémentaire est portée par le charme fou, lui aussi, d'un duo que l'on n'attendait pas comme aussi évident, tout comme ces moments de comédie tendre qui enflamment l'écran.

Et quand, au détour de quelques lignes de dialogue, on peut aller jusqu'à penser que Leitch décrit un moment charnière de l'industrie du cinéma, comme Damien Chazelle le faisait avec Babylon, on est enclin à pardonner pas mal de choses.

Car à l'instar de Dumas, il est permis de trahir l'essence des séries télé, à condition de leur faire de beaux enfants...

Behind_the_Mask, le grand sot.