C'est bien la première fois que cela m'arrive, cher abonné. Car ce soir, je me suis fait flinguer un film dès les dix premières secondes... Par un seul logo. Celui du château Disney en troidé qu'il est bôôôô...


Oui, je savais que le scénario était tiré d'une histoire vraie et que les protagonistes, ils devaient certainement avoir survécu, puisque Hollywood prenait la peine de leur rendre gloire. Mais ce qui m'avait poussé à poser mes délicates fesses roses dans le fauteuil du cinéma que je fréquente, c'est l'espoir d'assister à un mix entre film catastrophe et oeuvre impressionnante au point que les vagues te fouettent le masque de leur écume déchaînée et de sa force froide qui transit et aveugle.


Mais quand le château pervers s'est dessiné, inexplicablement, un panneau lumineux "attention danger" a commencé à clignoter par flashs de plus en plus forts. Parce que j'ai pensé qu'inévitablement, j'allais avoir droit à la romance neuneu, pour qu'on prenne peur pour le héros de l'histoire qui n'allait peut être pas revenir pour se marier. Parce que j'ai pensé qu'inévitablement, il allait y avoir le trauma du personnage principal, avec, bien sûr, son lot de morts sur la conscience et un échec qui le paralysait. Parce que j'ai pensé que, comme dans tout Disney qui se respecte, il n'allait pas y avoir un mort. Parce qu'enfin, on allait y célébrer le all american hero dans toute sa grandeur.


Et finalement, The Finest Hours, bein... C'est tout ça.


Je l'écris avec tristesse mais il faut se rendre à l'évidence. Dès les premières minutes, on entre de plein pied dans la partie romance neuneu. Et maladroite, parce qu'on est dans les années cinquante et qu'on a droit à l'inévitable scène de bal. Mais innovation, la fille ne sait pas danser. Puis c'est une femme libre parce que c'est elle qui demande en mariage son julot. Et c'est une féministe avant l'heure car elle ose tenir tête (un peu) au commandant de son futur mari. Mais bon, point trop n'en faut non plus, parce qu'il ne faut pas pousser mémé dans les orties, surtout quand elle est grabataire. Parce que la femme, c'est bien connu, au volant, c'est une vraie quiche. On dit bien "femme au volant, mort au tournant", non ? Et elle arrive juste à temps pour faire le planton et préparer la popote dans le caillon en prévision du retour de son homme. Allez, disons le en choeur : Vive les idées progressistes et d'émancipation !


J'ai eu envie de dire la même chose du point de vue réalisation et action. Car la bande annonce de The Finest Hour, elle mettait justement l'accent là dessus, avec ses vagues qui s'écrasaient lourdement sur la coque du pétrolier et cette chaloupe à la mer qui explosait littéralement sous le choc. Mais de ce point de vue, le film est assez trompeur. Bon, pas jusqu'à mentir et animer une mer d'huile pour une aimable balade en voilier. Mais une fois passés le trauma du héros et le banc de sable dont on nous rebat les oreilles dans toute la première partie, plus rien. Electro-encéphalogramme plat. Comme celui de la plante verte qui périclite à côté de la fenêtre de mon appartement. Il n'y a plus de grande surprise, ni aucune péripétie marquante. Pourtant, on ne peut ignorer la musique de Carter Burwell et ses pim-pon pompiers, pour signaler que la moindre manoeuvre, la moindre décision est un Everest de l'héroïsme. Il n'y a pas plus d'images qui pourraient rester en mémoire, au contraire de En Pleine Tempête, avec sa vaque gigantesque et sa coque de noix qui l'attaque à la verticale.


Craig Gillespie réalise quant à lui de manière sage, sans jamais sortir des sentiers battus, comme le ferait le gosse de maternelle qui met tout en oeuvre pour décrocher un bon point. Ce n'est pas dégueu, loin de là. Mais on sent que le spectacle est très formaté. En résulte une poignée de plans pas trop mal emballés, qui réussissent surtout à distinguer l'ami Casey Affleck dans son rôle de capitaine courageux dans des mouvements circulaires de caméra qui permettent d'explorer les entrailles métalliques de son tanker. Mais Gillespie échoue là où précisément le prétendu tâcheron Wolfgang Petersen s'était illustré. En effet, dans The Finest Hours, il n'y a littéralement aucune espèce de tension. Les valeurs Disney en tête, je n'ai rien ressenti. Les différents personnages ne pouvaient que survivre, tellement cela suintait de l'image. Cette évidence énoncée, aucune espèce de peur quant au danger ne s'installe, tant le scénario est d'un plat et d'un attendu confondant. Petersen, lui, dans une situation symétrique, avait réussi (sur moi du moins), à ce que l'on se prenne à ressentir un mince espoir, à se dire que, oui, Nespresso, il allait survivre et qu'il allait battre l'océan déchaîné. Il avait réussi à installer la tension qui fait cruellement défaut à The Finest Hours. Au point de ne pas s'étonner que tous les marins échoués soient secourus. Enfin presque. Car il y a UN SEUL MORT. Un seul. Et encore, par accident. L'acteur qui le joue n'avait vraiment pas de chance lors du casting. Et imaginez donc la mention sur le C.V., du genre : "j'ai joué le seul mort dans The Finest Hours, une production Disney, et j'avais même pas de nom en plus !". Et là, de l'autre côté de la table, le directeur de casting ne peut avoir qu'une seule pensée : Oh la lose !


Et le pire, c'est que là où l'aller prend une bonne quarantaine de minutes, le retour au caillon se fait sur à peine dix minutes avec les mêmes difficultés. Juste le temps de dire qu'ils ont eu un peu froid et ont été un peu mouillés. Car ils se prennent trois gouttes d'eau dans un ralenti ostentatoire. Pas de survie dans les éléments déchaînés. Pas de difficultés alors que le bateau des secouristes est surchargé. Rien. Car il faut se ménager suffisamment de temps pour glorifier l'American way of life du héros bien yankee, célébrer son courage et son sens du sacrifice. Et montrer que la bourgade (les Etats-Unis dans leur entier ?) n'a Dieu que pour lui et l'aide dans son dépassement de soi dans la mesure de ses faibles moyens (ils font des embouteillages et allument les phares des voitures). Scènes maladroites ? Il n'est pas interdit de le penser.


Et le héros revient pour tenir sa promesse. Pour se marier en avril avec sa copine qui ne sait pas conduire et qui l'attend finalement comme une gourdasse qui n'avait pas saisi que c'était cela, le quotidien du sauveteur. Mais c'est pas grave. Car elle a les yeux humides de l'amour. Car le mariage a tenu 58 ans, que les deux ont bien vécu, et bien vieux. Le héros a besoin de se reposer. Manque plus que la statue de bronze sur la place de la bourgade pour que les générations futures se recueillent en silence en se remémorant ses exploits lors de ces journées du souvenir qui n'en finissent plus.


Voilà, j'ai fini de cracher ma bile. The Finest Hours, c'est tout cela. Mais même s'il n'est pas la tempête promise, le film se laisse suivre, étrangement. D'un oeil distrait. Mais de la à casquer une place de ciné pour le voir...


Behind_the_Mask, En Pleine Tempête.

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le 25 févr. 2016

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