Un film d’arts martiaux en provenance du Chili, où est-ce que je suis allé la chercher celle-là se diront peut-être certains d’entre vous… Pourtant, le Chili n’en est pas à son coup d’essai en la matière et la population semble apprécier le genre. On pourrait par exemple citer Kiltro (2006) qui a même eu droit à une sortie DVD dans nos vertes contrées, premier film de Ernesto Diaz Espinoza. C’est d’ailleurs ce dernier qui est à la réalisation du film du jour El Puño Del Condor, rebaptisé Fist of the Condor pour l’international, un film immédiatement acheté par la petite plateforme de streaming Hi-YAH, spécialisée dans les arts martiaux et les films d’action asiatiques après une exploitation limitée en salles aux États-Unis en avril 2023 dans le cadre de la série Fantastic Fest Presents de l’Alamo Drafthouse. Dès les premières images, on sent un réalisateur respectueux du sujet. Mais dès les premières images, on sent aussi que quelque chose ne va pas…


El Puño del Condor est produit, chorégraphié et même interprété par la star locale Marko Zaror. Comment ? Vous ne connaissez pas Marko Zaror ? Pourtant, vous l’avez sans doute déjà vu sans le savoir. Pratiquant d’arts martiaux (kickboxing, taekwondo,…) depuis 40 ans, il est apparu dans bon nombre de bobines : Savage Dog et Undisputed III avec Scott Adkins, Allita et Machete Kills de Robert Rodriguez, ou plus récemment John Wick 4 qu’on ne présente plus. Il a également été un temps la doublure de The Rock. C’est également l’acteur fétiche d’Ernesto Diaz Espinoza puisqu’ils ont de nombreuses fois collaboré ensemble : Kiltro, Mirageman, Mandrill, Redeemer et donc bien entendu Fist of the Condor qui est pour Marko Zaror SON film. Lors d’une interview, il a dit que ce film représentait dans une large mesure son propre parcours en tant qu’artiste martial, en particulier le chemin sinueux mais nécessaire pour surmonter ses propres limites par le biais du processus d’essais et d’erreurs, ainsi que beaucoup d’introspection et persévérance. Il avait le désir personnel de créer un film de kung-fu bien exécuté. Apparemment cela a fonctionné car on dénombre énormément de critiques (en anglais) dithyrambiques à propos du film. Alors est-ce que je n’étais pas dans un bon jour, est-ce que j’ai vu trop de films d’arts martiaux asiatiques, mais mon avis est tout autre. Alors oui, on sent bien l’hommage très sincère au cinéma d’arts martiaux, et même aux arts martiaux de manière générale, aussi bien sur l’art martial en lui-même que sur le côté spirituel qui s’en dégage. Le film tente de transmettre une philosophie des arts martiaux et un voyage initiatique par le biais d’un film. Il comporte de nombreuses références et éléments visuels qui rappellent les films de kung fu hongkongais des années 70 période Shaw Brothers / Golden Harvest. On pense également à la série Kung Fu, avec David Carradine, pour son côté western (ici avec une musique qui va bien ou des ponchos comme pouvait en avoir Clint Eastwood dans la Trilogie du Dollar). Mais ça ne fonctionne pas, ça sonne faux, et surtout ce n’est pas très intéressant.


Il est vrai que les chorégraphies des combats sont plutôt réussies. L’ensemble est rapide, filmé comme dans le cinéma de Hong Kong de la belle époque (entendez par là qu’il y a de nombreux mouvements sans coupe et même des plans larges pour la lisibilité). Les artistes martiaux, Marko Zaror le premier, sont réellement doués. Mais les combats manquent d’impact, la faute à des bruitages souvent pas assez appuyés, ou le fait qu’on sente que les combattants se retiennent sur les coups. Du bon et du moins bon donc. Même chose en ce qui concerne la narration éclatée qui va petit à petit nous expliquer le passé des personnages, avec des sauts dans le temps forçant le spectateur à lui-même recoller les morceaux et refaire la chronologie des évènements. Avec son découpage en forme de chapitres et sa voix off omniprésente, Fist of the Condor semble renvoyer à Kill Bill, lui-même déjà un hommage au cinéma asiatique martial (qu’il soit HK ou japonais). Mais le problème, c’est qu’en dehors des scènes d’action, c’est quand même sacrément mou du genou et long, pour ne pas dire chiant et interminable (alors que ça ne dure que 1h20 générique compris). Certaines scènes frôlent le ridicule, au point qu’elles en deviennent parfois gênantes (le début de la « saison sans jambes, lorsqu’ils bougent les bras comme s’ils étaient un oiseau), provoquant des rires nerveux à plusieurs reprises. Il faut dire que ces scènes ne sont pas aidées par un festival de perruques dégueulasses et un jeu d’acteur pas réellement au point. Certes, c’est compensé par le charisme des acteurs, mais il faut avouer qu’ils jouent comme des patates. On sauvera malgré tout de superbes paysages chiliens de montagne et d’océans, mais ils ne sont pas mis en valeur par une mise en scène trop plan-plan, un étalonnage étrange et une saturation des couleurs qui leur donne un côté baveux.


Il y a de bonnes intentions derrière El Puño Del Condor, avec une réelle envie de rendre hommage aux arts martiaux et au cinéma martial. Mais le résultat est un film très bancal qui pourra faire rire à son insu et ça, ce n’est jamais très bon.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-el-puno-del-condor-dernesto-diaz-espinoza-2023/

cherycok
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le 3 oct. 2023

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