THE FITS (13,6) (Anna Rose Holmer, USA, 2016, 72min) :
Une chronique singulière sur le passage de l’enfance à l’adolescence observée par le biais de Toni, une jeune fille de 11 ans pratiquante de boxe dans la salle du club de son frère aîné. Depuis ses débuts la réalisatrice Anna Rose Holmer consacre sa passion pour l’image par le biais des projets documentaires. Grâce à une subvention attribuée par la Biennale College de la Mostra de Venise lors du festival, l’auteur a pu mettre à bien son premier long métrage The Fits. Un exercice de style radical dont le ton est donné dès les premières scènes où l’on découvre la jeune fille que certains nomment maladroitement « garçon manqué » en train de s’entraîner dans la salle de boxe puis à s’activer pour des corvées ménagères alors que d’autres jeunes filles minaudent derrière les vitres devant les athlètes où transpirent en dansant dans des cours de hip hop dans une salle à l’étage au-dessus. Plusieurs scènes sans dialogue où la mise en image développe des sensations. La mise en scène utilise plusieurs focales et de façon radicale le langage corporel pour décliner les sentiments et les tourments des protagonistes. Une immersion dans la psyché des jeunes filles quand le corps se mue par le biais de Toni par une illustration sensorielle. L’intrigue se concentre en plusieurs lieux clos où les parents sont absents et la cité apparaît juste par quelques échappées à l’air libre servant d’entraînement ou de décor final à la troupe costumées. Changement de peau lorsque le corps change la réalisatrice s’empare de ce sujet souvent traité en soulignant de façon un peu trop appuyé cette transformation. Quitter la boxe donc un état où la féminité n’est pas exacerbée pour le monde de la danse où le féminin règne en maître, et géographiquement s’élever dans la pièce du dessus représenté là par le passage du ring jusqu’à l’espace des danseurs comme une élévation dans l’âge. Pour apporter une touche particulière à son œuvre la réalisatrice donne une inclinaison de fable horrifique à sa narration en incorporant une veine fantastique avec des crises de convulsions (fits) surgissant comme une épidémie contagieuse au sein des danseuses. La métaphore loin d’être légère s’avère néanmoins singulière et ces corps en transes rendent celles qui en sont atteintes assez fières comme un passage initiatique de la jeune fille à l’adolescence, un rite psychologique et corporel de dépucelage en quelque sorte. Ces transes mystérieuses se confondent au rythme du hip hop. Par le biais de la spatialisation de l’image nous accompagnons le parcours intime de Toni enfant solitaire qui tente de trouver sa place dans un nouveau groupe et de s’affranchir du regard des autres sur elles, jusqu’à enfiler le même costume et se libérer de ses peurs profondément intime pour permettre l’accession à une nouvelle féminité. Ce long métrage minutieux du cadre joue sur les différentes profondeurs de champs, les ruptures, les contre-temps (comme pour une chorégraphie) et un emploi particulier sur les sonorités pour mieux nous immerger dans le cerveau de Toni. Le récit très concentré (1h12m) pratiquement sans dialogue où seule la communauté afro-américaine est représentée, repose sur la prestation sensible de la jeune Royalty Hightower, une révélation au regard profond. Venez entrez dans la transe de portrait à travers cet OFNI (Objet filmique non identifié) au cœur de The Fits. Austère, hypnotique et intrigant.