Il était une fois un village de cassos

Essentiellement par les yeux d’une gamine, puis de plusieurs adultes empêtrés dans leurs chaines respectives, cette suite de péripéties, grave, enfantine, poignante, pathétique, ensauvagée et réaliste, dissimule derrière le vernis d’une urbanité touristique bigarrée la photographie d’une Amérique pathétique et quotidienne, exprimé sous les traits de différents portraits. Celui de la vie d’une fillette de 6 ans sans éducation ni scolarité, livrée à elle-même dans la liberté de ses jeux pendables dans les recoins d’une zone commerciale de Floride, juste à côté des parcs d’attraction, au milieu des parkings, des motels, des commerces, des décharges et des squats de zonards, avec d’autres enfants dans la même situation. Celui de sa jeune mère, marginale, tendre mais violente, aimante mais barbare, pas plus responsable que sa fille, tirant le diable par la queue et subordonnée à la précarité de son petit boulot du jour, et aux aléas d’une résidence rendue permanente dans un de ces motels. Celui du brave responsable du motel, seule figure paternelle, responsable, tolérante, aussi aimant et limité que les autres, par ses tâches logistiques, comptables, réglementaires, touristiques, de police et trop souvent de pompier social.
Cette fable sociale à l’intérieur d’un village artificiel de cassos reste redoutablement soumise au risque quotidien de l’accident, de la catastrophe et du couperet potentiel d’un dramatique débarquement de la Police ou des Services Sociaux. Les tribulations continuelles, servies dans un registre très humain et domestique, masquent sous la fausse naïveté de ces enfants pauvres bien des aspects du malaise sociétal, portées par les tout aussi touchants personnages secondaires. Ce conte cruel raconte la vie d’une sorte d’asile perpétuellement temporaire de laissés-pour-compte, révélant chaque jour son lot d’embarras, de dangers, de vains épuisements et conflits, dans un univers artificiel de misère proprette à deux pas de Disneyworld, indissociable pourtant des complicités tendres et de ses joies simples.

etiosoko
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le 14 juil. 2018

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