Thomas Creo, chercheur en cancérologie, tente désespérément de trouver un remède au mal qui ronge sa femme, Izzi. Celle-ci semble cependant de plus en plus sereine face à l'avancée de la mort, préférant se concentrer sur l'écriture d'un roman baptisé The Fountain. Alors que les deux époux se comprennent de moins en moins, tout en restant liés par un amour inconditionnel, le roman va agir comme le catalyseur d'une profonde quête existentielle lorsque Izzi demande à Thomas d'en écrire le dernier chapitre...

L'histoire de The Fountain, troisième film de Darren Aronofsky (Pi, Requiem for a dream, The Wrestler), ne se raconte pas, pour la bonne raison qu'elle n'a rien de linéaire : trois univers y rentrent en résonance, s'enrichissent mutuellement et finissent par s'interpénétrer. Il y a le monde réel, celui, froid et implacable, où l'Homme tente de repousser la mort, comme une maladie aveugle dont il pourrait triompher. Le monde de la fiction, ensuite, propose la reconstruction symbolique de l'univers mental d'une jeune femme malade, qui transfigure son mari en conquistador parti à la recherche de l'Arbre de Vie. Il y a, enfin, le plan spirituel de Thomas, voyageant à travers l'espace et sa propre solitude, hanté par le souvenir d'un amour disparu, dernier adversaire de la Mort.

Malgré son sujet audacieux, The Fountain ne se fend d'aucun artifice technique, aucun effet spécial encombrant. Mise en scène sobre mais néanmoins inspirée (comme la scène où Thomas marche dans la rue, totalement déconnecté du monde, dans laquelle les bruitages ont pratiquement tous été supprimés), filtre orangé presque continuel et gros plans récurrents sur les visages, comme si la caméra voulait plonger au plus profond de l'âme des personnages, sont les caractéristiques les plus représentatives d'un point de vue technique. Des outils au service du jeu d'acteur éblouissant du duo en tête d'affiche. Hugh Jackman nous livre ici sa meilleure prestation, d'une sincérité qui prend aux tripes. J'ai ressenti physiquement sa douleur, sa colère et son amour, toujours livrés avec une subtilité ineffable. Quant à Rachel Weisz, elle incarne avec grâce l'humain parvenu dans son ultime stade de réalisation, celui de l'acceptation dans la sagesse et la dignité.

Le thème de The Fountain est universel et faire ressurgir chez le spectateur, pour peu qu'il se laisse prendre par la poésie du film, des émotions d'une rare intensité. Comment ne pas repenser aux êtres aimés et qui nous quittés ? Comment ne pas se sentir envahi par le vide qu'ils ont laissé en nos coeurs et que nous tentons maladroitement de combler ? Le film nous rappelle, si besoin était, que notre plus grande faiblesse n'est pas la perte, mais la peur qui l'accompagne. Mais the Fountain propose aussi, dans l'acceptation et l'empathie, de vivre au-delà du deuil, à la recherche de la véritable éternité.

Les références du film sont à cet effet clairement orientées vers la spiritualité et les symboles religieux : Christianisme, religion maya et Hindouisme sont cités sur un pied d'égalité, ce qui pourrait déstabiliser, voire rebuter le spectateur cartésien. Mais le but de l'histoire n'est manifestement pas de proposer une panacée mystique indigeste : le périple du héros et ses états d'âme sont le véritable Graal de The Fountain, savamment distillé par une narration certes assez lente mais indispensable à la profondeur psychologique des protagonistes.

Enfin, cette critique ne serait pas complète sans la mention faite à la fabuleuse bande originale de Clint Mansel. Par une instrumentation riche et un leitmotiv particulièrement lyrique, le compositeur parvient à transcender les images et à nous rappeler, à chaque instant, la puissance évocatrice de la quête de Thomas Creo.
Amrit
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Plus que des films romantiques..., Top 10 Films, Chercher Dieu sur pellicule, Les films les plus tristes et Les meilleurs films de filles

Créée

le 10 janv. 2011

Critique lue 1.6K fois

20 j'aime

4 commentaires

Amrit

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

20
4

D'autres avis sur The Fountain

The Fountain
Troll
8

Bataille et Fontaine

Aiguillonné par la lecture de critiques pour le moins acerbes, je me suis lancé dans ce film avec...circonspection. Une défiance néanmoins teintée d'espoir, parce qu'Aronofsky, Jackman et Weisz ne...

le 10 août 2010

101 j'aime

28

The Fountain
Aurea
5

En quête d'éternité

Visuellement ce film est une pure merveille: un poème onirique mis en images somptueuses dans une oeuvre qui se veut visionnaire : un homme, trois époques différentes et la lutte acharnée pour...

le 30 juil. 2011

73 j'aime

59

The Fountain
Jérôme
2

L'infame fontaine

Un type fait du yoga dans une bulle spatiale pendant que des conquistadors cherchent la fontaine de jouvence, le tout sur fond de déclamations philosophiques qu'un Marc Lévy du pauvre analysant les...

le 6 mai 2010

69 j'aime

12

Du même critique

Lost : Les Disparus
Amrit
10

Elégie aux disparus

Lost est doublement une histoire de foi. Tout d'abord, il s'agit du sens même de la série: une pelletée de personnages aux caractères et aux buts très différents se retrouvent à affronter des...

le 9 août 2012

236 j'aime

78

Batman: The Dark Knight Returns
Amrit
9

Et tous comprirent qu'il était éternel...

1986. Encombré dans ses multivers incompréhensibles de l'Age de Bronze des comics, l'éditeur DC décide de relancer la chronologie de ses super-héros via un gigantesque reboot qui annonce l'ère...

le 3 juil. 2012

99 j'aime

20

The End of Evangelion
Amrit
8

Vanité des vanités...

Après la fin de la série, si intimiste et délicate, il nous fallait ça: un hurlement de pure folie. La symphonie s'est faite requiem, il est temps de dire adieu et de voir la pyramide d'Evangelion,...

le 21 juil. 2011

95 j'aime

5