Aiguillonné par la lecture de critiques pour le moins acerbes, je me suis lancé dans ce film avec...circonspection. Une défiance néanmoins teintée d'espoir, parce qu'Aronofsky, Jackman et Weisz ne sont pas les premiers tocards venus (cette assertion se discute pour Jackman, mais Wolverine ça compte pas) et que, comme j'aime bien contredire les gens, je comptais bien lui trouver des qualités, à ce nanar prétentieux présumé.
Mettons rapidement fin au suspense, j'en ai trouvé. Plein. Et pas seulement pour faire le malin.
Commençons par le casting, et d'abord par Hugh Jackman,à son meilleur en scientifique amoureux mais désespéré par la maladie de sa femme. Plus habité que jamais (ou en tout cas plus que dans Opération Espadon), il incarne avec justesse un rôle casse-gueule, à mi-chemin entre la violence et la détresse, l'amour (les-yeux-avec-un-truc-qui-brille-au-fond) et les accès de rage impuissante (la-bouche-tordue-les-poings-serrés). Si vous voulez vous convaincre de sa performance, essayez d'imaginer Keanu Reeves à sa place. C'est bon ? Bon.
Et puis Rachel Weisz. Certainement la plus belle actrice du monde, capable de faire fondre la caméra d'un sourire, là où Megan Fox n'en tirerait pas un frisson en lui montrant tous ses seins, capable d'émouvoir d'un sanglot réprimé, d'une moue triste ou absente, capable enfin de faire vivre en quelques regards cette femme qui s'éteint malgré lui et ses vains efforts.
Le reste des acteurs est plus anecdotique, mais sans accroc, à l'image d'une Ellen Burstyn discrète mais toujours juste.
Quant au scénario...J'ai lu beaucoup de reproches quant à l'absence de message véritable, à la lenteur affectée et à l'opacité artificielle de The Fountain. Poutant, ces récits entremêlés de conquistador à la recherche d'un arbre offrant la vie éternelle, de couple luttant contre son cancer à elle, et d'un homme brisé chuchotant à un arbre mystérieux des mots de réconfort m'ont semblé d'une indiscutable cohérence. Et si rien n'est limpide, si tout interroge, il n'y a rien de gratuit dans cette histoire de deuil que l'on refuse, et rien d'anodin dans cette approche de la mort comme début et comme fin.
Alors oui, le réalisateur s'égare parfois dans une mystique un peu vulgaire, et n'est pas toujours très heureux dans ses choix esthétiques "new age grotesque" (je paraphrase) ou techniques (la transition réalité/récit est franchement nulle), le message reste d'une cohérence et d'une sensibilité bien supérieures à l'ésotérisme de supermarché dont on voudrait les accabler.
Accompagner cet homme et ses avatars, conquistador ou bonze éploré, sur le chemin qui le mènera vers la paix et l'acceptation du deuil est une belle expérience, sensorielle et intellectuelle.
The Fountain réclame peut-être un peu de bienveillance, et d'accepter de ne pas tout appréhender dans l'instant, mais il abandonne en nous, quand s'égrènent les premières notes du (beau) générique de fin, un mélange d'émotion et de satisfaction intellectuelle dont peu de films récents peuvent se targuer.
Toutes proportions gardées, une sorte d'Inception filmé par Wong Kar Waï, avec un Bouddha orange fluo en Deus Ex Machina.
(MAIS SI, C'EST BIEN, JE TE PROMETS)