Entièrement tourné dans la ville d'Angoulême, en France, c’est au travers du quotidien d’un journal et à l’occasion du décès du rédacteur en chef - Arthur Howitzer, joué par le fabuleux Bill Muray - que Wes Anderson nous embarque dans le récit de trois histoires courtes et rocambolesques.
Par où commencer? Comme à chaque fois dès l’instant où les lumières s’éteignent et que l’écran s’éclaire, nous sommes plongés dans l’univers savoureux d’Anderson. Le charme opère directement lorsqu’on voyage dans la ville d’Ennui-Sur-Blasé en suivant le vélo d’Owen Wilson déroulant derrière lui à la manière d’une virée touristique, ce mélange subtil et délicieux des villes et villages français. Les couleurs et les décors sont comme à l’accoutumé splendides et nous plonge dans cet univers chatoyant, regorgeant de détails riches et étonnants. Au point que parfois on préférerait se concentrer sur l’image pour ne louper aucun élément, l’écran rempli de couleurs, une image où rien n’est laissé au hasard, où chaque petit détail compte.
Les dialogues passent parfois au second plan, tant le rythme est rapide, certains moments il est même difficile de suivre le fil du récit. En effet cette course frénétique à la manière de The Grand Budapest Hôtel justifiée dans l’un, ne l’est pas franchement dans The French Dispatch. Mais certains diront que c’est aussi le charme de cette narration décousue, combinée avec un humour absurde et subtil dont on raffole.
Le réalisateur ne cesse de l’affirmer, il aime le cinéma français et ça se voit. Les références sont nombreuses, à la manière de Tati et autres réalisateurs de la nouvelle vague, la symétrie et la construction urbaine, les scènes dans le bar “Sans-Blague” avec les belles chaises de bistrot et le Juke Box. Timothée Chalamet en étudiant révolutionnaire, le charme opère immédiatement, et les clins d'œil sont fortement appréciés. La référence à mai 68 et aux révoltes étudiantes bercées par une version revisitée de la chanson “Aline” de Christophe nous fait du bien, qu’on se le dise !
Une déclaration et un hommage à l’art, au théâtre, appuyé par les décors réels et les décors studios. Les arrêts sur images à la manière d’un tableau, ainsi que le jeu de bascule entre le noir et blanc et la couleur chaque fois que les protagonistes du récit ressentent une émotion forte.
Trois basculements sont particulièrement remarquables, lorsque Benicio del Toro, dans le rôle d’un peintre incarcéré, dévoile sa fresque chatoyante à Adrien Brody, marchand d’art, dans le premier récit. Et puis, lors du souper dans l’ultime récit, lorsque les personnages goûtent le fameux cocktail qui les plongent dans une extase ressentie par le spectateur. Finalement, lorsque l’actrice Saoirse Ronan dévoile ses beaux yeux bleus sublimés par le jeu de bascule du noir et blanc à la couleur. Judicieux.
Pour finir, comment ne pas évoquer le casting 5 étoiles ? Wes Anderson n’oublie pas ses acteurs fétiches mais nous en donne plus encore en choisissant les petites et grosses pépites du cinéma. Cependant, avec un tel cast, comment ne pas être finalement déçu lorsqu’on aperçoit par exemple Christoph Waltz seulement deux minutes sur les deux heures de film. On regrettera ainsi le choix de mettre en avant certains et pas d’autres.
Finalement, on en prend plein la vue (vraiment plein la vue), mais on n’est pas certain d’avoir saisi tous les éléments, tant la course au récit est effrénée. The French Dispatch est de ces films dont l’univers nous embarque dans un voyage visuel fabuleux mais où il vaut mieux ne pas vouloir tout comprendre, le risque étant de ne pas être satisfait sur ce point-là.