Le temps d'une scène, j'ai cru au mirage. La première, quand les héros pieds nickelés, en train de piquer du métal, se cachent, pendant qu'une fanfare d'usine, que j'ai cru un instant tout droit sortie des Virtuoses (sorti la même année), répète. Les réminiscences des bons souvenirs du film de Mark Herman se sont cependant vite dissipées, à mesure que The Full Monty abandonnait en cours de route son argument de critique sociale pour embrasser la cause de la comédie bas du front. Sauf que là où le bas blesse, c'est que le film ne m'a pas décroché un sourire. Mais si c'était le seul truc qui clochait, cela ne serait pas encore trop grave.
Non, ce qui m'a interpelé, c'est le message que ce film propage, subliminal. Oh, je ne pense pas que ce soit volontaire, car si cela l'était, ce serait grave. Mais mine de rien, sous ses airs de comédie badine, The Full Monty, comme seul est unique message, prône de manière insidieuse l'avilissement de l'homme comme seule et unique façon de s'en sortir. Et encore, c'est relatif, au vu de la fin assez abrupte.
Je synthétise peut être à l'excès, victime de la consternation qui m'étrangle encore. Mais grosso modo, l'homme, prolétaire de surcroît, déjà écrasé par le poids de l'administration britannique héritée des années Thatcher, sa politique, le déterminisme de son milieu social et les difficultés économiques, bah, il n'a plus comme échappatoire que de faire le deuil de sa masculinité et de se vendre littéralement pour sortir la tête de l'eau. Bizarre que Besancenot ne soit pas déjà intervenu alors que l'on maltraite son coeur de cible, ou que Mélenchon n'ait pas encore éructé ses classiques insanités. Et le pire, c'est que ce discours, on l'emballe maladroitement dans un pseudo feelgood movie et que tout le monde n'y voit que du feu. Car finalement, on est là pour rire un peu, c'est pas méchant. Et exhumer des titres des années disco dont la date limite de fraîcheur est depuis trop longtemps dépassée (c'est pour les ventes de CD du film). Ca tourne gentiment en ridicule ces personnages gauches et rigolos malgré eux.
Hypocrisie... Car imaginez un seul instant, avec un scénario identique, que tous les rôles soient inversés. Que les hommes soient joués par des femmes et les rôles féminins par des hommes. Repassez-vous maintenant le film dans votre tête. C'est qu'il prendrait un tout autre sens et deviendrait dérangeant. Ce qui était pris jusqu'ici pour une comédie serait à coup sûr considéré comme une oeuvre mysogine et une véritable insulte à la condition féminine, dénoncée par les aboiements des chiennes de garde pelées de tous poils. Celles qui n'existent plus que par la médiatisation dérisoire de leur caricaturale figure de proue aux dents de cheval proéminentes et que Ruquier nourrit pour lui faire l'aumône. Loin de moi l'idée de blâmer le féminisme en général. S'il existe encore, c'est que la société en a encore besoin. Mais ce film m'a violemment hérissé le poil car son discours de rabaissement total et d'avilissement aurait à coup sûr été condamné s'il avait pris une autre frange de la population pour cible.
Je prends peut être les choses trop au sérieux et sur-interprête. Mais pour en revenir au film, l'alibi pseudo social était traité avec bien plus de finesse par la fanfare des Virtuoses ou encore, plus tard, dans Looking for Eric, où cet aspect, le coeur de ces oeuvres pour tout dire, n'était pas oublié en route et permettait la définition d'une histoire forte aux personnages à facettes multiples. C'est ce dont manque cruellement The Full Monty, terriblement terne et insidieux, au rire mou, quasi absent et paresseux, se reposant uniquement sur des physiques passe-partout aux antipodes de ce que l'on est supposé attendre de vrai strip teasers (oups, chippendales, pardon).
Non content de se laisser aller, ce film feignant pille en outre, sans vergogne ni honte, la musique mythique que Bill Conti avait composé pour Rocky, plagiat à peine déguisé qui croit tromper son monde en descendant là où les notes montaient dans l'original...
The Full Monty, un feelgood movie ? Non, une hypocrisie plutôt. Une grande braderie sur la masculinité et l'avilissement de l'homme. Et pour terminer cette critique, je reprendrai, comme le film, sa chanson-hymne dans des paroles à peine modifiées (je ne compte pas fournir plus d'efforts que le réal' n'en a consentis...) : ♫ I need some small teuf baby tonight...♪
Behind_the_Mask, chien de garde à machette.