The Garden of Sinners 1 : Thanatos
6.8
The Garden of Sinners 1 : Thanatos

Moyen-métrage d'animation de Ei Aoki (2007)

Le premier film des Kara no Kyoukai parle de panorama, de vue d’ensemble. Pourtant, en tant que film d’introduction à la série, il est tout le contraire, un film à une échelle personnelle, qui traite d’une petite histoire précise, et en ça il est bel et bien l’introduction qu’il faut à Kara no Kyoukai.


Située assez loin du début chronologique, cette première histoire met donc en scène des personnages qui ont déjà un passé commun. Beaucoup de choses sont acquises pour eux mais pas pour le spectateur, qui est invité à suivre une de leurs enquêtes. L’intérêt d’une enquête dans le cadre de Kara no Kyoukai est qu’elle fait a priori partie des activités habituelles du trio principal, ce qui permet donc de voir ses membres directement en action et d’avoir un aperçu de leur comportement habituel. Ici, le focus se fait surtout sur l’héroïne, Shiki. Les quelques choix évoqués ici posent déjà l’aspect introductif du récit.


Malgré le sentiment, présent lors du premier visionnage, que certains éléments de compréhension sont manquants dans l’immédiat, l’histoire n’est pas extrêmement cryptique pour autant. Il faut dire qu’elle est simple et narrée de manière simple. Il s’agit donc de mener l’enquête dans une zone désaffectée, hantée dit-on, pour trouver l’origine de quelques morts étranges. Mais le trio dirigé par Touko n’est pas ouvertement excentrique comme les Ghostbusters, il est naturellement mystérieux voire mystique. Ces deux choses caractérisent l’ambiance de Kara no Kyoukai et se retrouvent donc dans la manière de mettre en avant les éléments de l’histoire. Dans cette optique, ce premier film ne fait pas vraiment d’exposition mais fait ressortir des éléments au fil des événements et éveille notre curiosité. On peut alors se demander d’où viennent les pouvoirs de Shiki, quelle peut être sa relation avec Mikiya alors que leurs tempéraments respectifs sont opposés, dans quel milieu baigne Touko et quelles peuvent être les autres utilités de ce qu’elle confectionne dans son laboratoire… Pour un spectateur, être amené à se poser des questions c’est pouvoir lui-même porter un intérêt direct à ce qu’il regarde, créer une certaine proximité et rendre les réponses apportées plus tard d’autant plus intéressantes.


L’enquête en elle-même suit un schéma comprenant peu d’embuches et de détours. Une fois rendue sur les lieux, Shiki entre assez rapidement en contact avec la source des problèmes. Même si l’histoire n’est pas tout de suite réglée et que les choses doivent se faire en plusieurs temps, on a en tout cas droit à peu de rencontres. C’est une escapade presque intimiste qui se déroule loin des regards et de l’activité de la ville. Le cadre est en effet celui d’une zone urbaine abandonnée, composée principalement de grands immeubles d’habitation, vides, décrépits. Et c’est surtout ce cadre qui donne toute sa saveur à notre histoire pourtant assez légère. Il s’accorde avec le prédateur solitaire qu’est Shiki.


Et avec la solitude profonde de la coupable


Ce cadre, c’est ce sur quoi se base l’œuvre en tant que film d’animation.


On remarque que le rendu plein de détails des décors tranche avec les designs simples des personnages, rendant leurs traits plus visibles, plus frappants. Les yeux sont grands, les regards vides en émotion ou au contraire plein d’animosité. Les visages sont pâles, et ceci est souligné par la lumière froide et intense à laquelle ils sont exposés. Les décors sont plongés dans la pénombre et ont des teintes verdâtres, avec lesquelles le rouge du sang offre un contraste particulièrement saisissant. La palette de couleurs est réduite, de nombreux plans sont composés d’une ou deux couleurs seulement, simplifiant le visionnage, permettant de faire ressortir les quelques acteurs de cette pièce dans le décor inanimé. Shiki est probablement la seule personne en ville à se promener en yukata, ce qui rend son apparence directement intrigante (et son imperméable jaune n’est pas en reste). Elle s’oppose à des entités blanches et bleues, plus froides qu’elle. On voit Shiki parcourir progressivement les lieux, donnant une idée des distances et des hauteurs, et renforçant le sentiment d’être loin de tout, pleinement coupé du reste de la ville, pourtant visible depuis les toits. Quelques jolis affrontements sont au rendez-vous, ils sont une bonne mise en bouche même si le meilleur est à venir dans les films suivants. J’ai trouvé quelques moments vraiment stylés, pour leur composition visuelle et le ressenti soudain qu’ils peuvent créer, je pense notamment à la scène du chien, très efficace pour amener les plans suivants, et à la fin de la scène d’ouverture, assez surprenante et en opposition avec la musique mélancolique.


La bande-son des Kara no Kyoukai fait d’ailleurs partie de mes préférées de l’animation (et bien plus encore). Les morceaux sont en accord tantôt avec la tristesse, tantôt avec la douleur, tantôt avec la violence des scènes. L’anime n’est pas toujours très bavard et la musique en devient atmosphérique. Les chants, instruments et mélodies caractéristiques du style de Yuki Kajiura sont ici au service d’une œuvre qui les met particulièrement bien en avant.


Et voici que, quelques paragraphes plus tard, cette histoire assez légère sur le papier a donc considérablement gagné en impact grâce à la manière dont elle est présentée. Personnellement je l’ai trouvée très entraînante et même plutôt touchante au deuxième visionnage.


En raison de l’ennemie principale et des quelques phrases sur les thèmes du suicide et du panorama.


Je pense qu’avec le recul, une fois la série terminée, le premier film gagne en intérêt. En étant une introduction qui ne complexifie pas immédiatement l’histoire, il délègue aux suivants la tâche de l’enrichir. On peut en effet observer les différences de fond dans les épisodes qui ont une base similaire. Le 3 met en place une histoire plus directe, plus violente. Le 5 amène la rencontre bien avant l’enquête, et scinde son récit en deux parties parallèles et complémentaires, formant un tout complexe, torturé et spectaculaire. Le 7, enfin, accorde une place primordiale aux relations entre les personnages principaux et conclut les problématiques rencontrées tout au long de la série. Et, de manière plus générale, dès le deuxième film, la série peut développer son univers, aborder les thèmes et notions qu’elle a en commun avec d’autres œuvres de l’auteur, et s’éloigner par moments du cadre routinier du bureau de Touko, remontant dans le temps pour retracer les origines de cette histoire.


Reste alors au premier film à être pleinement ce qu’il est réellement : l’épisode le moins ouvertement parlant mais le plus imagé (en proportion, disons), celui qui repose le plus sur son esthétique. Il est en somme la première note qui donne le ton au reste mais garde tout de même son identité en tant que film à part, permettant alors à chacune de ses suites de développer sa petite touche distinctive, la somme de ces individualités construisant ainsi une série riche en émotions et en moments forts.


Je recommande.

Enemia
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le 20 nov. 2016

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