Patlabor 2
7.5
Patlabor 2

Long-métrage d'animation de Mamoru Oshii (1993)

On peut déduire de ce film que les précédentes réalisations d'Oshii autour de l'univers Patlabor lui ont principalement servi à analyser le terrain, à gagner une certaine légitimité dans l'exploitation de cette licence, et en même temps à repérer en son sein les ingrédients qui lui permettraient d'illustrer ses idées, lui qui apprécie les intrigues politiques et la dystopie. Ainsi, Early Days est sans doute très proche du Patlabor original, et on saluera son esthétique SF/mecha exquise (tout en restant très proche du Japon contemporain) ainsi que son ambiance nonchalante et attachante portée par une jeune équipe de policiers sur qui l'histoire est centrée. Quant aux différentes intrigues, elles montrent déjà un bon potentiel pour le genre.


Un film est passé depuis, assurant la transition, et voici que les éléments construisant le clou du spectacle sont réunis. On se servira donc de la proximité de l'univers Patlabor avec le nôtre, en mettant même au second plan les Labors (au grand dam du mechaphile que je suis), et puisque les enjeux sont majeurs et se rapportent à notre monde réel, plutôt que les jeunes membres de la section des Véhicules Spéciaux, ce sont leurs supérieurs, adultes plus expérimentés, qui auront droit aux premiers rôles.


Il serait dommage de voir Patlabor 2 comme un film froid et mettant moins en avant ses personnages. Shinobu et Gotô occupent des postes-clés au sein de la police, ils sont pragmatiques, et leur maturité d'esprit les rend plus à même de comprendre les problématiques modernes. Ainsi, mettre l'accent sur un scénario plus adulte, c'est aussi montrer de l'intérêt pour ces personnages-là, certes moins expressifs mais bien plus profonds.


Quid de ce scénario donc ? Il étudie la fragilité des sociétés riches au lendemain de la Guerre Froide. La nouvelle génération ne connaît pas la vieille Guerre Mondiale, elle vie dans un climat de paix, loin des conflits ponctuels qui sévissent dans les contrées défavorisées. De par son propos, le film souligne le caractère illusoire de cette paix, qui se traduit en réalité par fermer les yeux devant de petits problèmes isolés, à première vue sans incidence, mais qui en s'accumulant peuvent secouer violemment des populations ne doutant pourtant pas de l'efficacité des systèmes de sécurité qui les protègent. La nouvelle menace n'a plus la forme d'un camp ennemi bien défini, elle vient de l'intérieur, et porte le nom de terrorisme. Et nous, plus de 20 ans plus tard, sommes bien placés pour acquiescer, non sans un sentiment de malaise.


Le réalisme de Patlabor 2 est renforcé par la sobriété du travail visuel. Bien moins esthétisante que dans l'excellent Ghost in the Shell sorti quelques temps plus tard, sauf durant le générique de début porté sur les nouvelles technologies de défense, la réalisation ne lésine toutefois pas sur le souci du détail, et apporte une crédibilité forte à un monde qui est avant tout le reflet du nôtre. Même la composition musicale de Kenji Kawai ne semble pas venir d'un autre monde cette fois-ci, mais envoûte tout de même le spectateur avec simplicité, parachevant la réussite du long-métrage.


C'est finalement un grand coup qu'aura frappé Patlabor 2, il n'aura pas failli à son ambition, lui qui dure d'ailleurs près de deux heures, et se sera taillé une place intouchable au sein de l'animation japonaise pour adultes. Un grand bravo au réalisateur qui n'aura d'ailleurs pas fini de nous époustoufler.

Enemia
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le 18 févr. 2015

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