Support: Bluray


Attention, cette critique contient des spoilers


Le titre original du film (et du roman), The Ghost, ne laisse pas d’équivoque quant à l’histoire qui va nous être contée. Tout le talent de Polanski va être mis à l'œuvre pour convoquer l’imagerie du fantastique dans ce récit d’un politicien hanté par son passé, entouré par des esprits malveillants. “I’m your ghost” s’introduit le protagoniste (Ewan McGregor, jamais nommé) à Lang (Pierce Brosnan). La messe est dite.


Car si le film traite de sujets politiques contemporain, invoquant Tony Blair et sa promiscuité avec les USA envahissant l’Irak et usant de méthodes répréhensibles, si l’histoire est celle d’un homme au sommet du pouvoir qui va dégringoler jusqu’au bas de l’échelle à cause de ses exactions, c’est avant tout l’approche de l’observateur surnaturel qui va primer. Polanski et Robert Harris (auteur du roman et scénariste) ont regardé Sunset Boulevard ensemble avant de lancer la production pour s’en servir de leitmotiv. Et pour cause, c’est un film narré par une voix-off d'outre tombe, William Holden commentant en plan introductif son cadavre qui flotte dans la piscine de Gloria Swanson. A ce titre, McGregor va traverser le film de façon invisible et informe. Il n’a aucune conviction politique, aucune conception morale de son travail de nègre, aucun entretien de son physique. Il est une coquille vide placée là pour fouiller dans le passé de son client, sa victime. Un observateur toujours mis en parallèle avec le manuscrit de la biographie qu’il est censé corriger, personnage à part entière que l’on trimballe de scène en scène avec une certaine appréhension, fait de feuilles blanches légères qui iront jusqu’à flotter dans un plan final marquant, tel le fantôme littéral figuré par McGregor. La majorité de l’action se déroulant sur une île grise et dénuée de vie, balayée par les vents et la pluie. Les rares habitants sont des archétypes du cinéma d’horreur gothique: la fille à l’accueil de l’hôtel comme un Igor de service, le vieux superstitieux (Eli Wallach, 93 ans, inchangé) qui remue les légendes de lande, la foule de journalistes à qui il ne manque que les torches et les fourches, les succubes Olivia Williams et Kim Cattrall (toutes deux vénéneuses à souhait) qui se repaissent de Lang… Tout en termes d’ambiance et de sous-texte est bien mis en place.


Malheureusement, c’est au niveau des éléments plus premier degré que le film pêche. Malgré le travail d’atmosphère et des acteurs excellents, la tension met beaucoup de temps à monter, et finit en pétard mouillé. La faute à des facilités narratives, le pot au rose émanant simplement d’une recherche Google, des grossièretés dans la satire du pouvoir, et des thématiques assez conventionnelles dans une enquête qui ne surprend jamais. J’avais initialement des soucis avec le gala final, où le fantôme dévoile sa connaissance de la vérité dans un sursaut d’orgueil qui jure avec l’apathie générale du personnage. Mais à mesure que j’écris ces lignes, analysant la thématique de la hantise, je commence à percevoir un sens. Comme si ce fantôme jusqu’alors passif devenait un poltergeist, fauteur de trouble par nature et créateur de chaos dans une maison bien rangée. Alors cet acte perturbateur devient logique, justifiant par la même occasion ce très réussi plan final du fantôme qui s’évapore dans l’air, ayant accompli la tâche qui le maintenait prisonnier des Lang.


The Ghost Writer n’est pas une œuvre majeure du cinéaste, mais n’en reste pas moins un film intéressant. Bien plus abouti dans son second degré de lecture que dans le thriller politique qu’il met en place, qui lui est assez convenu. Je suis bien content de l’avoir revu, et d’y avoir décelé plus que ce que j’en avais compris la première fois.


Créée

le 3 mai 2024

Critique lue 9 fois

Frakkazak

Écrit par

Critique lue 9 fois

D'autres avis sur The Ghost Writer

The Ghost Writer
Aurea
7

La pièce manquante

Avec Polanski comme réalisateur, ce thriller politique ne pouvait que porter sa marque, et c'est vrai que le cinéaste tourmenté renoue avec ses obsessions. Ce ghost writer est bien cet écrivain...

le 23 août 2011

60 j'aime

8

The Ghost Writer
SanFelice
7

"I'm your ghost"

Un écrivain, dont on ne connaîtra jamais le nom, est engagé par un ancien Premier Ministre pour rédiger ses mémoires. Projet qui peut paraître attirant, surtout sur le plan financier, mais qui...

le 10 janv. 2014

54 j'aime

14

The Ghost Writer
Mr-Potatoes
10

«Un pour tous, tous pourris»

Tous les fornicateurs/libertins/échangistes/politiciens d’expérience vous le diront : « Une c’est bon, deux c’est meilleur ! ». Riche de ce sage enseignement, c'est une critique non pas sur un mais...

le 6 oct. 2015

48 j'aime

6

Du même critique

Assassin's Creed: Mirage
Frakkazak
4

Mi-rage, mi-désespoir, pleine vieillesse et ennui

Alors qu’à chaque nouvelle itération de la formule qui trône comme l’une des plus rentables pour la firme française depuis déjà quinze ans (c’est même rappelé en lançant le jeu, Ubisoft se la jouant...

le 10 oct. 2023

21 j'aime

Spiritfarer
Frakkazak
8

Vague à l'âme

Il est de ces jeux qui vous prennent par la main et vous bercent. Des jeux qui vous entraînent dans un univers capitonné, où de belles couleurs chaudes vous apaisent. Spiritfarer en est. Le troisième...

le 9 sept. 2020

13 j'aime

2

Returnal
Frakkazak
9

Gen of Tomorrow

Cinquante heures pour le platiner, et c'est d'ailleurs bien la première fois que j'arrive à aller aussi loin dans un roguelite. Non pas qu'il soit facile, il est même étonnamment ardu pour un triple...

le 30 juin 2021

12 j'aime

6