La pièce manquante
Avec Polanski comme réalisateur, ce thriller politique ne pouvait que porter sa marque, et c'est vrai que le cinéaste tourmenté renoue avec ses obsessions. Ce ghost writer est bien cet écrivain...
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le 23 août 2011
60 j'aime
8
Support: Bluray
Attention, cette critique contient des spoilers
Le titre original du film (et du roman), The Ghost, ne laisse pas d’équivoque quant à l’histoire qui va nous être contée. Tout le talent de Polanski va être mis à l'œuvre pour convoquer l’imagerie du fantastique dans ce récit d’un politicien hanté par son passé, entouré par des esprits malveillants. “I’m your ghost” s’introduit le protagoniste (Ewan McGregor, jamais nommé) à Lang (Pierce Brosnan). La messe est dite.
Car si le film traite de sujets politiques contemporain, invoquant Tony Blair et sa promiscuité avec les USA envahissant l’Irak et usant de méthodes répréhensibles, si l’histoire est celle d’un homme au sommet du pouvoir qui va dégringoler jusqu’au bas de l’échelle à cause de ses exactions, c’est avant tout l’approche de l’observateur surnaturel qui va primer. Polanski et Robert Harris (auteur du roman et scénariste) ont regardé Sunset Boulevard ensemble avant de lancer la production pour s’en servir de leitmotiv. Et pour cause, c’est un film narré par une voix-off d'outre tombe, William Holden commentant en plan introductif son cadavre qui flotte dans la piscine de Gloria Swanson. A ce titre, McGregor va traverser le film de façon invisible et informe. Il n’a aucune conviction politique, aucune conception morale de son travail de nègre, aucun entretien de son physique. Il est une coquille vide placée là pour fouiller dans le passé de son client, sa victime. Un observateur toujours mis en parallèle avec le manuscrit de la biographie qu’il est censé corriger, personnage à part entière que l’on trimballe de scène en scène avec une certaine appréhension, fait de feuilles blanches légères qui iront jusqu’à flotter dans un plan final marquant, tel le fantôme littéral figuré par McGregor. La majorité de l’action se déroulant sur une île grise et dénuée de vie, balayée par les vents et la pluie. Les rares habitants sont des archétypes du cinéma d’horreur gothique: la fille à l’accueil de l’hôtel comme un Igor de service, le vieux superstitieux (Eli Wallach, 93 ans, inchangé) qui remue les légendes de lande, la foule de journalistes à qui il ne manque que les torches et les fourches, les succubes Olivia Williams et Kim Cattrall (toutes deux vénéneuses à souhait) qui se repaissent de Lang… Tout en termes d’ambiance et de sous-texte est bien mis en place.
Malheureusement, c’est au niveau des éléments plus premier degré que le film pêche. Malgré le travail d’atmosphère et des acteurs excellents, la tension met beaucoup de temps à monter, et finit en pétard mouillé. La faute à des facilités narratives, le pot au rose émanant simplement d’une recherche Google, des grossièretés dans la satire du pouvoir, et des thématiques assez conventionnelles dans une enquête qui ne surprend jamais. J’avais initialement des soucis avec le gala final, où le fantôme dévoile sa connaissance de la vérité dans un sursaut d’orgueil qui jure avec l’apathie générale du personnage. Mais à mesure que j’écris ces lignes, analysant la thématique de la hantise, je commence à percevoir un sens. Comme si ce fantôme jusqu’alors passif devenait un poltergeist, fauteur de trouble par nature et créateur de chaos dans une maison bien rangée. Alors cet acte perturbateur devient logique, justifiant par la même occasion ce très réussi plan final du fantôme qui s’évapore dans l’air, ayant accompli la tâche qui le maintenait prisonnier des Lang.
The Ghost Writer n’est pas une œuvre majeure du cinéaste, mais n’en reste pas moins un film intéressant. Bien plus abouti dans son second degré de lecture que dans le thriller politique qu’il met en place, qui lui est assez convenu. Je suis bien content de l’avoir revu, et d’y avoir décelé plus que ce que j’en avais compris la première fois.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de Roman Polanski, Les meilleurs films de 2010, Les meilleurs films avec Ewan McGregor, Les meilleurs films avec Pierce Brosnan et Les meilleurs films avec Jon Bernthal
Créée
le 3 mai 2024
Critique lue 9 fois
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