Who is the director ?
Dalston, Londres, un carrefour, un réalisateur (John Smith ?) donne ses directives. Mais l'homme que l'on entend donne-t-il vraiment ses consignes ou décrit-il seulement ce qui se déroule sous ses...
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le 31 mai 2012
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Voilà un court métrage qu’il m’a fallu un peu de temps à apprivoiser et qui pourrait sembler anecdotique. Mais maintenant que j’ai lu deux trois choses sur lui et que je le comprends mieux, je l’apprécie certainement davantage à sa juste valeur.
Je crois désormais avoir compris la place de ce film dans l’histoire du cinéma, une place qu’il ne faut pas exagérer, mais qu’il ne faut pas complètement minimiser non plus. Certes, tout ce qui est suggéré dans ce film expérimental est aujourd’hui bien connu, mais il n’était peut-être pas inutile en 1976 de montrer certains caractères propres au langage cinématographique.
Le film est principalement composé d’un long plan-séquence, on nous montre des passants dans une rue de Londres, mais très vite, on comprend que nous entendons sur la bande son les instructions que le réalisateur donne à ses acteurs, aux figurants, ou aux techniciens, demandant par exemple un lâcher de pigeons à un moment très précis. Les « commandes » précèdent le film, John Smith met ainsi l’accent sur le fait qu’un film est d’abord une construction (même s’il y a différents degrés de construction, et que certains courants cinématographiques tentent de limiter ces aspects artificiels pour mieux approcher la réalité). Ces images qu’on aurait pu prendre pour un documentaire ne sont en fait qu’une fiction aux apparences de documentaire. Mais ce n’est là que la première partie du film, John Smith, très pédagogique, construisant son propos en plusieurs étapes.
Le moment de l’horloge est d’ailleurs décisif, avec sa petite touche d’humour. On comprend alors que le film n’est qu’une blague, que la voix ne précède pas l’image, mais qu’elle en est la conséquence, qu’elle a été préparée après la lecture de l’image et que la bande son a été montée de telle sorte que l’on ait l’impression que la voix ordonne l’image, qu’elle la précède, alors qu’elle a été fabriquée après, pour coller aux images !
Au départ, la voix annonçait donc ce qui allait se passer dans le cadre, mais dans la deuxième partie, bien que toujours produite une fois après que le plan-séquence ait été fini d’être tourné, elle décrit ce qui se passe, en temps réel, puis elle se met à narrer et va bien au-delà que d’indiquer ce que l’on voit, elle apporte des éléments d’explication (ex : on nous décrit un homme comme un dentiste allant à la banque), elle donne un sens aux images, un sens volontairement curieux (on nous parle d’un gars qui vient de braquer une poste !)
Et c’est justement quand la voix raconte n’importe quoi que le spectateur cesse de boire ses paroles, et peut s’interroger sur le rôle de cette voix, et sur sa puissance créatrice ! Une voix off qui peut être neutre, voire redondante avec l’image, mais qui peut tout aussi donner un sens particulier à l’image et ainsi la modeler et donc modifier la nature de ce que l’on voit. On se laisse souvent bercer par la voix off, on est parfois agacé, mais on s’interroge rarement sur son statut ou son origine, et c’est d’ailleurs tant mieux : le cinéma, pour fonctionner, doit s’appuyer sur le désir du spectateur de croire, d’adhérer au film, surtout si c’est une fiction, et dans ce cadre, le principe même de la voix off se traduit par une impression d’objectivité, difficilement contestable.
Ainsi, dans The girl chewing gum, John Smith nous sensibilise à l’illusion cinématographique et met l’accent sur le récit et la puissance des mots, le rôle clef de la manipulation. Aujourd’hui, tout cela est bien connu, Chris Marker avait déjà démontré dans ses Lettres de Sibérie le rôle clef de la voix off, mais ce travail de John Smith est quand même intéressant, présentant de façon plus complète que Marker la dimension démiurgique du réalisateur par l’illusion du réel qu’il tente de nous imposer (et que nous acceptons nécessairement).
Sur ce film plus complexe qu’il n’y parait, vous pouvez aller jeter un œil ici, une interview de John Smith (en anglais) :
http://www.thewhitereview.org/interviews/interview-with-john-smith/
Voir aussi différents analyses :
http://www.debordements.fr/spip.php?article245
https://static1.squarespace.com/static/55095cc2e4b0b6baebd8203a/t/5530debde4b0478bc893bd70/1429266109090/le-Besoin-de-Quotidien.-AlterR%C3%A9alit%C3%A9s.pdf
http://lagalerie-cac-noisylesec.fr/wp-content/uploads/2014/06/ok_LaGalerie_Journal_JSmith.pdf
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Courts pas courus (mais parcourus!), Tous courts !, Critiquapo 2 : je suis vraiment trop con de m'astreindre à ce genre de contrainte mais ça me permet quand même de belles découvertes comme The last Farm que je te conseille au passage ! et Mes films expérimentaux préférés
Créée
le 26 mars 2016
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