The Goat Life
6.8
The Goat Life

Film de Blessy (2024)

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The Goat Life est sorti y’a quelques mois et, d’après ce que je viens de voir, on en a vraiment pas assez parlé ! Alors il s’agit d’une grosse coprod Inde/USA qui a pour ambition d’adapter un livre publié il y a une petite vingtaine d'années et racontant l’histoire édifiante de Najeeb, un type du Kerala qui va hypothéquer sa cabane pour s’acheter un visa afin d’aller faire un peu d’argent en Arabie Saoudite. Il part alors avec un autre gars vers ce pays inconnu dont ils ne parlent pas la langue. Arrivés à l’aéroport, les deux sont livrés à eux-mêmes et attirent l’attention d’un type qui va les embarquer fissa. Les deux sont séparés et notre protagoniste se retrouve réduit en esclavage dans une petite ferme, au milieu du désert saoudien. Pendant des semaines et des mois devenant des années, il n’a d’autre compagnon que les chèvres qu’il garde et auxquelles il commence, irrémédiablement, à ressembler. Bien sûr, c’est basé sur une histoire vraie alors le récit déviera plus tard sur une évasion et une traversée du désert, mais n’en disons pas plus, car autant découvrir soi-même les tenants et aboutissants de l’histoire abominable que va traverser ce pauvre bougre.

Disons le tout de suite, The Goat Life est un film éprouvant. Les trois heures sont dures et si le rythme du film ne laisse aucune place à l'ennui, elles nous trimballent de l’inconfort à l’horreur pure. C’est déprimant, éreintant et franchement terrifiant. Mais quel film bordel... Merveilleusement bien écrit, grouillant d’idées de mise en scène et de petits détails géniaux, tricoté avec une attention d’horloger suisse, The Goat Life impressionne d’abord par la façon dont le récit a été pensé et orchestré pour l'écran.

Ainsi, si nous le récupérons en cours, le début de l’histoire de ce type va être raconté par flashbacks, au gré de scénettes édifiantes où l’eau est partout. Qu’elle tombe du ciel ou que les personnages barbotent dans la rivière, le Kerala est l’opposé total du désert saoudien où tout n’est que poussière, sable et roche. Ces moments nous offre autant des éléments pour mieux comprendre ce qui se passe qu’ils nous décrivent la détresse du personnage, contrastant avec le manque de flotte qui obsède le protagoniste, laissé dans un état pitoyable, crevant la dalle et assoiffé. Et puis, si les premiers mois le personnage se rappelle de ces tons verts et bleu du sud de l’Inde, et de sa femme... Tout ça est progressivement et définitivement remplacé par une palette d’ocres et de marron au fur et à mesure que le film avance et que ces flashbacks disparaissent, que le personnage oublie sa vie d’avant et que, livré à un isolement total, il finit par manger comme une chèvre et parler comme une chèvre.

Durant trois heures, The Goat Life arrive à brosser le vide abyssal dans lequel a sombré Najeeb avec une densité folle et une montée en tension infernale. Mise en scène, photo, montage... la réussite est impressionnante à tout point de vue, et la prestation de Prithviraj Sukumaran est à la hauteur de cette réussite. Passant de 90 kilos bien ronds à 60 kilos tout sec, d’une bonne bouille moustachue à une face hallucinée et hirsute, les efforts et le talent de l’acteur sont stupéfiants. KR Gokul, qui joue le rôle de son pote, interprète ici son premier rôle et nous offre une prestation époustouflante et déchirante. Y’a un tas de choses qui m’ont impressionnées dans ce film, et lui est assis dessus tout en haut.

Autre chose, le film a été tourné en Algérie et en Jordanie qui offrent leurs spectaculaires désert à cette production. La photo et la colorimétrie du film se régalent de leurs couleurs magnfiques et ça m’a fait penser, à plusieurs reprises, à Furiosa. Alors, autant j’ai aimé le film de Miller, et autant je le trouve passionnant, autant le désert de The Goat Life est une tarte dans la gueule des CGI du dernier Mad Max. La comparaison est cruelle, au-delà des différences fondamentales qui animent les deux projets, des velléités fantastiques de l’un et réalistes de l’autre... Le désert, le vrai, c'est quelque chose d'unique...

Alors oui, parfois, il y a peut-être cette impression que peuvent donner ces films reposant sur une esthétique spectaculaire et des performances over the top, un coté « film à Oscars » me souffla par exemple un camarade, une dimension un peu hollywoodienne forcée je dirais, sans être convaincu d’avoir trouvé les mots justes pour exprimer ce léger doute qui s’est incrusté en filigrane ici et là. Mais tout ça n’est rien face à cette expérience incroyable, tendue et sacrément éprouvante. 3 heures terrifié à se prendre des coups dans la gueule : un bonheur cinématographique rare. Je sais pas si c’est le meilleur film de l’année, mais c’était absolument magistral.

MelvinZed
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