J'ai lu récemment un article qui associait l'antisémitisme à l'oppression des femmes, prétendant que le premier n'allait jamais sans le second, alors que l'inverse n'est pas vrai. De fait, ce film de Soderbergh semble valider cette affirmation, en dénonçant le sort peu enviable des femmes aussi bien dans l'Allemagne nazie que lors de la "libération" de Berlin par les troupes russes. On connaît l'usage du viol comme arme de soumission des peuples, les monstres ne s'y trompent pas. Lena (brillante et sombre Cate Blanchett), comme une Dietrich tragique qui serait allée au bout de sa douleur - elle dit n'avoir plus de larmes à verser - est une survivante, et Soderbergh interroge le prix qu'il faut payer pour traverser une période aussi mortifère, pour les faibles ou les doux en particulier, que la 2ème guerre mondiale. Sa thèse à lui est que ne sont restés en vie que les plus sauvages, parfois contre leur gré. Mais qui voulait vivre devait en payer le prix. Que deviennent la décence et la moralité en temps de guerre ? Il n'y a que les vainqueurs pour vouloir croire qu'elles se sont portées comme des charmes tout du long dans leur rang, et ça, on sait très bien que ça tient de la propagande. Alors, du côté des défaits et des humiliés, que peut-on attendre ? C'est tout à l'honneur du cinéma de se poser parfois les questions qui fâchent, et c'est encore mieux quand il le fait avec autant de classe. Le noir et blanc est une merveille, en l'espèce, l'usage des images d'archive particulièrement bien vu, les interprètes assurent avec brio (en frôlant parfois le surjeu ou la cabotinerie pour certains, mais lors d'accès véniels seulement) et, au final, l'histoire distille son poison lent avec un sens du tragique qui rappelle souvent Casablanca. Même remarques pour la musique. Autant de lettres de noblesse donc, pour un film qui semble avoir peiné à convaincre, étrangement.