Deux tireurs d'élite sont engagés pour une mission ultra-secrète: vivre un an chacun au sein d'une immense tour de contrôle placée aux bordures d'une mystérieuse fosse camouflée aux yeux de la planète.
Malgré l'interdiction d'entrer en contact, Levi et Dasra vont rompre leurs solitudes respectives en rencontrant le regard de l'un de l'autre tout en découvrant les choses étranges qui tentent de s'échapper des lieux...
De Scott Derrickson, réalisateur de "Sinister" et "Black Phone", on s'attendait forcément à un film d'horreur à l'ambiance terriblement éprouvante, capable d'emporter ses personnages dans un Enfer prêt à leur faire expier violemment leurs choix de carrière... Mais, c'est en réalité pour une toute autre approche qu'opte le metteur en scène: celle d'une série B incroyablement jouissive qui, sous couvert d'un film à mystère horrifique comme on n'en fait plus (ce qui est déjà une qualité en soi) va s'amuser à bifurquer de phases purement romantiques à ce qui pourrait s'apparenter à la plus réussie et officieuse adaptation d'un "Resident Evil" que l'on ait vue jusqu'ici.
Oui, vous avez bien lu: Derrickson livre en quelque sorte un des meilleurs films de Saint-Valentin qu'il soit pour qui a besoin de faire battre son petit cœur autant devant une histoire d'amour des plus attachantes que sous une flopée de balles tirées sur un bestiaire monstrueux !
Et bon sang, quel pied ! Des tourments intérieurs de ses deux assassins d'exception voués à prendre une route commune aux présentations avec leur nouveau lieu de travail, les prémices fondent merveilleusement bien les ténèbres de solitude de ces deux êtres blessés pour en faire jaillir toute la lumière éclatante de leur rencontre au sommet de leurs nids respectifs.
Et c'est probablement parce qu'il y a également une parfaite synergie entre le climat énigmatique de cette fosse, un Derrickson en pleine exploration d'un terrain inédit pour lui, les deux brillants jeunes acteurs que sont Anya Taylor-Joy et Miles Teller et la bande-son (encore une fois excellente) de Trent Reznor & Atticus Ross que "The Gorge" parvient à créer un tel petit miracle romantique dans ce contexte, touchant sa cible à chaque sourire voulu par ce coup de coeur improbable entre tireurs d'élite.
Se permettant même de faire des clins d'œil malicieux à certains grands hits de ses interprètes ("Whiplash" pour Miller, "Le Jeu de la Dame" pour Anya Taylor-Joy, on pourrait même ajouter la saga "Alien" pour Sigourney Weaver en second rôle), "The Gorge" nous prend littéralement à la gorge par cet amour naissant et les preuves qui en émanent de la part de chacun de ses héros à l'égard de l'autre jusqu'à évidemment briser son statut quo d'éloignement pour jouer aux montagnes russes avec nos émotions, quand ce petit nuage de tendresse laisse place à des vapeurs bien plus dangereuses.
Ce point de bascule dans l'action la plus pure, plongée dans un univers infernal de brouillards multicolores, est évidemment l'occasion d'éprouver la solidité des liens affectifs mis en place entre les deux protagonistes dans la survie (ceux-ci se traduisent d'ailleurs de façon bien pensée par leur complicité de réactions et de prises d'initiative face à l'inconnu perpétuel représenté par la force de frappe de leurs adversaires) et de lever le brouillard sur la réelle nature de cette fosse (cet aspect scénaristique est plus conventionnel mais reste suffisamment solide pour appuyer les divers péripéties qui en découlent), mais il est avant tout un road-trip jubilatoire en termes d'esthétiques inattendues, d'apparitions aux développements dégénérés et de morceaux de bravoure pour les contrecarrer.
Et, même lorsque le temps de la découverte est révolu pour laisser place à d'autres enjeux, le film de Scott Derrickson parvient à maintenir cet efficace équilibre trouvé entre ses envolées romantiques et ses phases d'affrontement final pour ne jamais quitter des yeux le rayonnement émis par son couple.
Qu'il est décidément toujours bon de voir une gorge de série B dénuée de la moindre angine !