4 à 8 ans en moyenne est bien la durée à laquelle Wong Kar Waï nous a habitué pour attendre ses films. Après My Blueberry Night en 2007, une version américanisée de In The Mood For Love qui ne fit pas l'unanimité, le réalisateur hongkongais est enfin revenu à sa ville d'origine et de prédilection pour sa nouvelle fiction. Avec The GrandMaster, WKW signe son premier biopic et film de kung-fu. A noter que le film de combat ne lui est pas complètement étranger non plus, car il s'était déjà frotté au film de sabre avec Les Cendres du Temps en 1994. Rassurez-vous, contrairement à ce dernier film d'art et essais (plus essais sans histoire que art transcendant), le réalisateur s'est appuyé sur la biographie de Ip Man, grand maître d'arts martiaux spécialisé dans l'art du Wing Chun, et « Shi fu » de Bruce Lee. Ce film a donc une trame de fond pour guidé l’éternel poète d'improvisation qu'est WKW.


Comme notre poète ne change pas ce à quoi il nous a habitué, la musique est naturellement signée par le même compositeur japonais Shigeru Umebayashi, et on croit entendre à certains moments les notes hypnotiques de 2046 ou de In The Mood For Love. Les thèmes sont toutefois plus variés et adaptés en fonction des scènes de combat ou d'errance, mais la bande son nous berce avec merveille.
Toujours dans les bonnes vieilles habitudes, on retrouve au casting du film notre cher Tony Leung, déjà présent dans le film de sabre susnommé, qui ajoute ainsi son 7eme film du réalisateur dans son CV. La belle Ziyi Zhang qui jouait déjà les amoureux transits avec Tony Leung dans 2046 ; et bien sûr Chang Chen présent dans Happy Together et la partie The Hand de Eros, qui interprète ici un personnage virtuose de la lame inventé de WKW.


Et oui, car si le biopic veut s'appuyer sur la vie d'Ip Man, tous les autres personnages sont fictifs. Mais la recherche sur les différents arts martiaux chinois et la philosophie qui va avec est elle bien réelle. Ne vous attendez pas à voir un film de kung-fu comme avec Bruce Lee. WKW s'est toujours attaché à l'esthétique du mouvement plutôt qu'à l'action, et The GrandMaster ne fait pas exception. Malgré ses scènes de combats indéniablement magnifiquement chorégraphiées, WKW film « the mood » du kung-fu. C'est un âge d'or du kung-fu, matérialisé par le décor du Pavillon d'or présent dans l'histoire : sorte de maison close où les plus grands maîtres s'y retrouve pour partager opéra et esprit. On est dans un hommage à la spiritualité de l'art martial, à l'inverse des films de kung-fu traditionnels. Les ralentis permettent d'admirer la beauté de l'image, la fumée qui s'échappe, la fluidité du mouvement qui s'en dégage, des regards qui se croisent et des baisers à la volée, d'une goûte d'eau qui tombe et rythme un combat éclair. Et surtout montrer que cet homme est resté debout alors que tous sont à terre. Ou plutôt que cet homme reste debout malgré tous ceux qui tentent de le coucher.


Horizontalité et verticalité. La caméra se déplace dans ces 2 sens comme pour illustrer la maxime d'Ip Man. L'histoire des différents art-martiaux montrés dans le film nous est contées. La philosophie du kung-fu nous est soufflée à travers les tableaux glissants que WKW a pris pour habitude de nous peindre. La caméra est comme un pinceau d'encre de chine qui trace des volutes. Les scènes de combats représentent plus des danses, un style de vie, un code d'honneur que de l'action brutale. On se bat pour la beauté de pratiquer le geste, et le plaisir d'observer. Le pied glisse au sol pendant que le poing fuse vers le ciel. Même de la force des guerriers ce dégage une certaine poésie. Une certaine poésie mais aussi de la romance. Avec l'esthétique de WKW, les combats sont des moments de jeu sensuel. L'amour interdit s'exprime à travers ces combats amicaux où les corps s'étreignent mais se repoussent à la fois. Les personnages ne peuvent s’atteindre car ils ne sont pas sur les mêmes horizons.


Horizontalité et verticalité. 2 opposés qui ne peuvent exister l'un sans l'autre. Si WKW a réussis à conter l'histoire d'Ip Man avec poésie, on sent que son imagination débordante s'est laissée emportée par les personnages secondaires du film. Le récit est du coup un peu trop décousu et passe d'un personnage à l'autre sans vraiment se justifier par moment. Le personnage de La Lame (joué par Chang Chen) croise trop brièvement le personnage de Gong Er (joué par Ziyi Zhang) pour avoir une place aussi forte dans le biopic. D'autant plus que d'après les aveux du réalisateur, celui-ci n'est que pure fiction. On sent la plume improvisé de WKW qui partait déjà sur un film choral à destin croisé comme dans ses précédents films. Mais il n'en fait rien, surement pour des raisons de compréhension de l'histoire qui se recentre toujours sur Tony Leung. Il propose à la place de justifier cet écart de parcours comme étant une des histoires d'une des branches des plus redoutables techniques de kung-fu. Cette solution ne prive pas d'apprécier le film mais montre à quel point le réalisateur a voulu faire un film sur LES grands maîtres de kung-fu et pas sur un seul (même s’il sont pour la plupart fictifs).


Le perfectionnisme du réalisateur est comme métaphorisé par cet art du kung-fu. Précis, direct mais en perpétuel mouvement, changeant avec le monde et le temps.

Kolynou
8
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le 28 juil. 2016

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Kolynou

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