Je suis un brin attristé...
Je ne savais rien du tout sur ce film, n'ayant pas trouvé le temps d'aller le voir sur grand écran, j'avais fait mon possible pour m'écarter des "on dit", entre les critiques désabusées de mes chers éclaireurs (que j'ai pourtant lue pour la plupart...) et les grosses pubs sur arrêts de bus à coup de "WONG KAR WAI NOUS REVIENT AVEC UN CHEF D'OEUVRE." ... Un chef d'oeuvre. C'est pas vraiment ce que j'attendais de ce film certes.. dans ma grande modestie et humble voracité de consommateur filmique, je ne demandais qu'un "bon" film de kung fu...
Ça faisait un bail que je n'm'étais pas payé une galette dès sa sortie en bacs sans attendre de fouiner dans les boutiques d'occaz putain.. mais là, l'attente était tout de même trop forte, donc j'ai craqué.
The Grandmaster n'est pas un film de kung fu, pas plus qu'il ne "raconte" l'Histoire du kung fu comme se plait à le clamer la jaquette et les affiches. The Grandmaster, c'est juste Wong Kar Wai qui s'auto-caricature à l'extrême, le tout en équilibre le cul entre deux bancs, dans une superbe position esthétique d'un nouveau style qu'on pourrait appeler le "Pub-Chi" ou le "Clip-Fu". Amusez vous à dire dans votre tête "Kung Fu, pour nous les hommes." ou "Tai-Chi, parfum pour femme." après chaque scène de pseudo frappe au ralentit, vous allez piger, et ce sera marrant 5 minutes avant que vous ayez sévèrement envie d'enfourner un Sammo Hung ou un Tsui Hark dans votre lecteur en guise de hurlement défoulatoire.
WKW ne fait que reprendre sa grande thématique de l'histoire d'amour qu'il a par ailleurs sublimé sur d'autres merveilleuses pellicules, et la mélange ici avec quelques baffes molles ultra-esthétisées, enlisées dans une mélasse de lumières et de teintes confinant au grotesque parodique, le tout amplifié par l'extrême sérieux du propos illustré.
Le film de Kung Fu, c'est pas juste filmer des gouttes de pluie tombant au ralenti, de la poussière s'élevant en nuages fluets au ralentit ou quelques flocons virevoltant au ralentit, le tout agrémenté d'échanges de regards vaguement poétique dans une espèce d'ambivalence "haine/amour", "J'te baffe la gueule/Je t'aime passionnément". Le procédé aurait pu fonctionner oui. On aurait pu avoir un film sérieux, dramatique sur fond romantique si l'alchimie prenait. Mais l'alchimie ne prend pas. Pas une putain de seconde. Et c'est d'autant plus rageant que le nom de Yuen Woo-ping est au générique... A qui dois-je en vouloir bordel ? A Yuen qui ferait preuve de soudaine paresse ou à Wong qui aurait freiné l'illustre artiste martiale dans ses plus furieuses chorégraphies ?? Je... argh. Pfff. Bref.
Quand Fong Sai Yuk (La Légende de Fong Sai Yuk) monte à l'assaut de la forteresse de sa bien aimée dans un ralentit aussi inattendu que jubilatoire, ce n'est que pour contre-balancer le déchaînement du combat qui suit et est en soit une prouesse du plus haut esthétisme dans un échange de regards d'une fine poésie. Quand Leung Yee-tai (The Prodigal Son) affronte ses assassins dans son théâtre dans une suite fougueuse de voiles enflammés, de rideaux ardents et de souffles enfumés, offrant une scène 'd'une puissance picturale rare, lourde de teintes, ce n'est que pour faire jaillir l'ensemble comme l'éruption soudaine d'un volcan somnolent avant de retrouver le calme d'un récit savamment conté. Quand Ti Ming Chi (Zu : Les Guerriers de la Montagne Magique) ère l'air ahurit dans des choix artistiques atteignant des sommets colorés et suintant de couleurs en cascades, ce n'est que pour servir le délirant sans limite de son propos et nous happer dans l'inattendu que réserve chaque prochaine scène... Là, rien de tout ça. Ici, on ne se permet plus de croire une seconde en l'imprévisible ou la fantaisie créatrice, celles là même qui créaient jadis toute l'ampleur lyrique de certaines des plus grandes oeuvres du genre... Et je n'sais même pas pourquoi je fais ces comparaisons, ça n'a pas vraiment de sens, ça n'a rien à voir, The Grandmaster n'est pas un film de kung fu... Son identité est diluée, perdue dans cette pesante lie, s'égrainant comme une poignée de sable tombant mollement sur le sol (au ralentit, bien entendu).
"Il était une fois le kung-fu..." qu'elle disait la jaquette... j'ai connu meilleurs conteurs... Reste que les acteurs sont bons et que Zhang Ziyi doit bien être une des plus belles femmes du monde...