The Gray Man est de ces quelques films distribués par Netflix dans lesquels la plateforme et ses associés ont investi une fortune pour aboutir à un résultat d’une médiocrité affligeante, à peine occultée par la beauté des lieux de tournage, des décors, de la photo et la présence de quelques stars au générique (Bright, Serenity, Adam à travers le temps, Project Power, Ava, Army of the Dead, Red Notice…). Il s’agit même du film le plus cher produit pour la plateforme.
Déterminés à s’imposer comme les nouveaux poids lourds du cinéma d’action, les bro Russo y confrontent deux stars stéroïdées (et probablement surpayées) dans une intrigue suffisamment pauvre pour tenir sur un timbre poste.
L’agent Sierra Six est un ancien bagnard du nom de Court Gentry, gracié par la CIA pour en faire un assassin de haut niveau. Un jour, il est chargé de tuer Sierra Four mais, avant de mourir, celui-ci lui remet une clé cryptée accablant les dirigeants de l’agence. Gentry devient alors la cible d’une flopée de tueurs menés par Lloyd, un psychopathe au look de péquenaud. Bientôt, la fillette de son mentor est kidnappée par Captain Redneck pour faire pression sur Gentry.
Rien de bien nouveau au menu de cet homme gris. On prend un tueur solitaire travaillant pour le gouvernement américain, on le retourne contre ses employeurs (comment ça Jason Bourne ? Qui c’est ça, Salt ?), on en fait l’heureux possesseur d’un macguffin, ici la sempiternelle clé/disque/disquette contenant des données top secret (Skyfall ? Mission Impossible 1, 3 et 5 ?) et la cible préférée d’une horde de tueurs qu’il va tous dézinguer dans une succession de courses-poursuites et de combats chorégraphiés de manière impressionnante mais peu réaliste (John Wick ?).
Petit bonus qui passerait presque pour une originalité si le Commando de Schwarzenegger n’était pas déjà passé par là : le vilain psychopathe en chef moustachu détient en otage une fillette très importante que le héros va se mettre en devoir d’aller libérer.
The Gray Man c’est un must d’idées recyclées et d’absence de suspense. Un parangon d’action marveliennes (vive les CGI, fuck Jason Bourne) et d’interprétations limitées (Ryan Gosling plus inexpressif que jamais, Chris Evans qui en fait des tonnes en bon cabotin). Leur caméra virevoltant pour un rien, les frères Russo se prennent visiblement pour les grands cadors du cinéma d’action mais leur mise en scène n’a ni l’intelligence de celle d’un Mctiernan, ni l’élégance de celle d’un Mcquarrie, ni même le sens du rythme de celle d’un Greengrass, et surtout pas la virtuosité de celle d’un George Miller (Michael Bay ? Connait pas).
Les menaces se bousculent autour de Gosling Six, la mort glisse sur sa peau comme une douce brise de printemps, les couteaux se plantent dans son corps sans jamais le faire grimacer ni même toucher d’organes vitaux, et le scénario lui trouve toujours assez de facilités pour échapper/flinguer ses poursuivants, les doigts dans le nez. Il y a même un moment où, alors que le héros est désarmé et menotté à un banc public sur une place praguoise dégagée (mais grouillant de flics), des dizaines de tueurs lui tirent dessus et réussissent l’exploit de le louper. De vrais stormtroopers.
Bref, du cinéma spectacle sans idées, sans intérêt parce que déjà vu, revu et (re)revu. Dans le genre, la plateforme avait déjà fait mieux avec Kate. Là au moins, l’héroïne n’était pas à l’épreuve des balles et finissait le film dans un état digne d’un John McClane (en plus c’était la digne fille à son papa).
Dans sa volonté d’en remontrer aux grands studios, Netflix oublie trop souvent que budget n’est pas synonyme de qualité.
Espérons juste que les dirigeants de la plateforme regardent un jour un de leurs films en entier pour s’en rendre compte.