A l’aube des temps, les grands royaumes de jadis asseyaient leur domination à la force des épées, des haches, des lances et des flèches. Sur les plaines de la Mandchourie et de la future Corée, des milliers d’hommes vinrent s’affronter dans des batailles immenses, imprégnant le sol de leur sang. La guerre était un passage obligatoire pour tous les hommes, l’heure de prouver sa valeur, de défendre sa patrie, son honneur et sa famille. Un affrontement sans commune mesure restera dans la légende, une bataille unique, qui nous est contée dans The Great Battle.
Qu’attendre d’une fresque historique coréenne lorsque l’on n’a vu aucun film de la sorte issu du pays du matin calme ? C’est une question à laquelle je souhaitais tenter de trouver une réponse en allant voir The Great Battle, une immense fresque historique racontant l’histoire vraie d’une bataille s’étant déroulée au VIIe siècle. Véritable blockbuster à la sauce coréenne, il dispose tous les ingrédients pour offrir au spectateur un spectacle dantesque qui va le faire s’accrocher à son fauteuil. Et il est vrai que The Great Battle est d’une générosité rare à ce sujet. Toujours plein de réserves autant que le valeureux Yang Man-chun a toujours une solution et une parade à chaque obstacle, il arrive toujours à surenchérir, à aller plus loin dans le spectaculaire, quand on pensait déjà avoir atteint le maximum. Car The Great Battle est, principalement, un film à spectacle et basé sur sa puissance visuelle, un véritable blockbuster qui viendrait répondre à ce que les américains proposent de nos jours avec Avengers.
Ce parti pris représente à la fois la force et la faiblesse de The Great Battle. On ne peut certainement pas enlever à Kim Kwang-sik le mérite d’avoir su mettre en scène des batailles immenses et nous immerger dans l’action avec une certaine virtuosité et une capacité à ne pas égarer son spectateur, ce qui n’est pas chose aisée. Cependant, force est de constater qu’il ne faut pas trop chercher The Great Battle sur d’autres sentiers. En effet, la caractérisation des personnages est très classique, créant un assortiment qui nous est familier, nous fait rapidement identifier qui est qui et, très probablement, l’évolution de chaque personnage et sa situation à la fin de l’intrigue. Par ailleurs, d’un point de vue scénaristique, le film reste très accroché à la bataille, dans le sens où ce que l’on voit à l’écran est ce que raconte le film. Il n’y a pas de réelle sous-couche, si ce n’est des amorces de discours sur le triomphe du pacifisme et la remise en question de l’utilité de la guerre, alors que nous sommes en plein Moyen-Âge. Mais peut-on réellement reprocher cela à un film qui fait du spectacle son principal argument de vente ? Pas forcément, mais un peu, tout de même.
C’est là qu’il est important d’avoir un certain recul avant d’émettre un jugement suffisamment approprié envers un tel film. En effet, l’une des principales remarques que je me suis faites, c’est la forte présence, voulue ou non, de référence à d’autres films de guerre, historiques ou fantastiques, comme 300 (dans l’affrontement disproportionné et l’esthétisation des combats) et Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours (avec un véritable parallèle avec la bataille du Gouffre de Helm). Fatalement, ces rapprochements avec des films que je qualifierai d’ « occidentaux » font que l’on a tendance à adopter un regard occidental face à The Great Battle, à souligner un certain manque d’originalité, des défauts visuels au niveau des effets spéciaux, etc. Or, il faut le rappeler, ce type de film est peu commun en Corée du Sud, il représente l’un des films les plus imposants de ces dernières années dans le pays et, donc, un véritable défi, qui doit donc faire évoluer notre échelle de valeurs face au film. C’est en identifiant mieux la démarche qu’il y a eue avant et pendant la réalisation du film, en cherchant à mieux le contextualiser, qu’on affine et qu’on nuance mieux notre ressenti.
Bien entendu, The Great Battle n’est pas exempt de défauts. On pouvait espérer un peu plus de nuances, la plupart des éléments constitutifs du scénario et de l’intrigue sont relativement prévisibles et classiques, les personnages sont assez peu développés, ou juste assez pour les placer dans des cases, et le véritable discours que peut alimenter le film reste assez discret et étouffé par le côté assez conventionnel du film. Mais The Great Battle reste un film à spectacle, un vrai défi, qui propose de belles prouesses visuelles et quelques moments de grâce qui viennent saisir le spectateur et lui montrer que le grand spectacle n’est pas que l’affaire des grosses écuries américaines, mais peut aussi être celle d’autres acteurs du cinéma et d’autres pays, à moindre budget. The Great Battle demeure, en définitive, un spectacle généreux et honnête avec lui-même.