Trop simple

Cambridge Analytica, une entreprise implantée notamment au Royaume-Uni, a aspiré des milllions de données via les profils Facebook anglais. Elle a repéré les persuadables, les profils psychologiques susceptibles de basculer dans le camp du Brexit et a permis au "Non", soutenu par Nigel Farage, de l'emporter. Cette même entreprise a ensuite opéré à plus grande échelle pendant la campagne américaine de 2016, principalement dans les swing states, permettant à Donald Trump de l'emporter.

Le documentaire ne nous apprendra pas précisément comment l'entreprise s'y prend. On nous parle de vidéos publicitaires et autres qui poppent dans votre timeline Facebook. La coopération de Facebook n'est que rapidement évoquée, mais existe. On voit les principaux protagonistes : le premier lanceur d'alerte, Chris Wylie, puis dans la seconde partie le documentaire suit de près une deuxième témoin, Britanny Kaiser. Cette dernière charge le patron de Cambridge Analytica, Alexander Nix, qui refuse délibérément de répondre sur la manière de faire.

On a doit à un exemple un peu détaillé de campagne de Cambridge Analytica, à Trinité et Tobago, et à quelques chiffres frappants : 30 millions de profils Facebook américains aspirés, 5000 points de données étant détenus au minimum pour chacun.

On touche du doigt la surdité des dirigeants de la Silicon Valley, qui prétendent chercher à rapprocher les gens mais divisent et polarisent. C'est le principal argument du reportage.

Cependant la mis en scène m'agace, notamment tout ce qui touche à Britanny Kaiser. On la montre comme une responsable de Cambridge Analytica qui voulait placer sa boîte en tête, mais a réalisé qu'elle faisait le mal. On la montre comme une démocrate qui a voulu s'encanailler dans les milieux républicains. On la suit dans sa vie quotidienne : elle suit l'affaire et on voit ses réactions en direct, on la voit préparer ses bagages, parler à sa mère dans un taxi, etc... etc... Elle se donne à bon compte un statut de lanceur d'alerte, alors qu'elle a sauté du navire avant qu'il ne coule. Et en fouillant un peu sur twitter, on apprend qu'elle se met à nouveau, depuis 2019, au service de Trump. Donc les auteurs du film auraient gagné à avoir plus de recul, ils lui ont offert une opération de blanchissement à bon compte.

Quant à l'habillage, comme à chaque fois que les médias parlent des réseaux, on a droit à des petits bruits informatiques, des nappes ambiantes inquiétantes, des infographies montrant des galaxies de like. Visuellement vraiment rien de transcendant ni de révolutionnaire.

Peut-être ce film apporte-t-il une pierre à la prise de conscience qu'il faudrait que nos données redeviennent propriétaires. Il manque cependant de mordant et de profondeur, et se rabat davantage sur un storytelling un peu frelaté.