*Lena gets her son ready for school
She says now on these streets Charles
You got to understand the rules
Promise me if an officer stops you’ll allways be polite
Never ever run away and promise momma you’ll keep your hands in sight*
– Bruce Springsteen, 41 Shots (American Skin)
En ouvrant son film par une scène où un père de famille explique des règles à ses très jeunes enfants, comme quoi il faut toujours bien répondre à un officiel de police et toujours laisser ses mains en vue, George Tillman Jr donne le ton. Si une telle règle existe quand on est noir aux Etats Unis, faite pour éviter une bavure et rester en vie, c’est qu’il y a un problème. Un énorme problème. Comment peut-on, quand on est un officier de police, se comporter différemment avec un Blanc et un Noir ?
C’est toute la question que pose l’incroyable The Hate U Give. Qui raconte l’histoire -fictive mais pourtant bien réelle- d’une bavure policière. Starr est une jeune fille qui vit dans un quartier noir d’une ville américaine. Ses parents l’ont inscrite dans un lycée bourgeois où la population est majoritairement blanche. Elle y a un copain à qui elle cache le ghetto dans lequel elle vit. A une soirée dans son quartier, elle retrouve un ami d’enfance qui la ramène chez elle. Ils se font arrêter par la police. Et le flic finit par abattre son camarade sous ses yeux, en prenant une brosse à cheveux pour une armée à feu.
Avant de montrer l’incident, Tillman Jr prend le temps de poser ses personnages et leur univers. Il est bien aidé par la performance d’Amandla Stenberg. La jeune comédienne est démentielle dans le rôle de Starr. Elle parvient à rendre son personnage instantanément attachant dès les premières séquences et ne le lâchera jamais. Starr est le coeur de récit, Stenberg est une étoile montante. Avec beaucoup de rythme et des personnages forts, The Hate U Give va nous plonger dans l’univers de la population afro-américaine, avec ses ghettos, ses trafiquants qui plongent dans le banditisme parce qu’ils n’ont pas d’autre solution pour survivre, sa pauvreté mais aussi sa solidarité et sa bienveillance. On retiendra une scène particulièrement poignante où Starr demande à son oncle, un flic noir, ce qu’il aurait fait si c’était un blanc qui était dans la voiture. Ainsi qu’une séquence où son père fait aligner les enfants sur la pelouse de leur jardinet.
Le long métrage t aussi un film qui sonne tellement vrai qu’on a souvent l’impression d’être face à un documentaire. Et quand le jeune ami de l’héroïne se fait descendre, on ne peut s’empêcher de penser à Amadou Diallo, Trayvon Martin et toutes ses victimes qui n’avaient d’autre tort que celui d’être noir.
“The Hate U Give” est tiré d’une chanson de 2Pac, explicitement citée dans le film. “The hate u give little infants fucks everybody” (“Tout le monde paiera la haine que vous avez transmise à nos enfants” – T.H.U.G.L.I.F.E). La haine des noirs par les flics blancs devient réciproque et le cercle vicieux est sans fin. La jeune Starr passe la majeure partie du récit à chercher sa voix, à canaliser sa haine et à trouver sa place. Sans spoiler, tout le récit conduit son choix et on avait envie qu’elle le fasse, pour elle, pour eux, et pour un semblant de justice.
Le long métrage de George Tillman Jr est un film important. C’est aussi un long métrage rythmé, prenant, chargé en émotions porté par une jeune comédienne incroyable. Un des premiers coups de poing de 2019.
Critique initialement publiée sur CloneWeb.net