Quand les dialogues et la musique deviennent secondaires

J'ai découvert le réalisateur Tsai Ming-Liang récemment avec l'excellent film « La Saveur de la Pastèque », suivis du décevant « Et là-bas, quelle heure est-il ? ».

J'ai alors eu l'opportunité de voir un troisième film de Tsai Ming-Liang, car il me fallait en voir d'autres pour mieux juger ses réalisations et mieux comprendre l'auteur.

Pour ceux qui connaissent le film « La Saveur de la Pastèque », sachez que ce dernier s'inspire fortement de « The Hole », un film de 1998. Ils sont très ressemblant, The Hole c'est en quelque sorte La Saveur de la Pastèque, mais sans sexe avec une histoire bien sûr quelque peu différente. Le scénario ainsi que les lieux de tournages sont sont assez proche entre eux, tous les deux se déroulent dans un bâtiment assez laid mettant en avant une histoire d'amour entre deux voisins qui malheureusement vivent dans une situation critique. Mais on peut aussi noter une certaine ressemblance avec I Don't Want Sleep Alone, enfin bref tout ça pour dire qu'on a bien ici un film de Tsai ming-Liang.

The Hole met en avant un quartier en quarantaine où l'eau risquerait d'être coupé définitivement pour l'an 2000 (la film se passant 7 jour avant cette nouvelle année) mais où la pluie fait rage au point de ne plus s'arrêter, provoquant ainsi une épidémie sur ses habitants. Deux voisins, une femme vivant en-dessous et un homme au-dessus sont alors liés par une fuite d'eau, cela enfantera donc des situations plutôt uniques auxquelles nos deux personnages seront confrontés à un problème de communication, mais aussi à une relation amoureuse. Nous avons ici une fiction des plus passionnantes qui montre une société sous une vision pessimiste (celle du réalisateur, craignant un peu le futur) et ses difficultés.

La pochette du film peut être trompeuse, on peut par exemple s'attendre à un film noir et sombre dans un style épouvante-horreur... mais non pas du tout. Le film est dans un registre contemplatif, les personnages parlent très peu et l'ambiance ne s'avère peut-être pas aussi sombre que l'on croit, quoi que. L'intrigue est rythmée par une multitude de chansons Hong Kongaises des années cinquante (des chansons de Grace Chang). Donnant à cette œuvre un aspect « comédie musicale » à l'instar de La Saveur de la Pastèque.

Il est juste dommage que ces « coupures-chansons » ne soient pas aussi inspirées que l'autre film dont je fais référence pour ce qui est des chorégraphies. Cependant ces chansons en plus de rythmer le film, donne des informations essentielles à la compréhension de l’œuvre.

Ces chansons s'opposent paradoxalement au reste de l’œuvre, car d'un côté il ajoute un peu de couleurs dans cet univers pluvieux et triste, mais aussi car contrairement au film qui nous projette dans le futur (enfin au moment de sa sortie) les chansons, elles, nous remémorent le passé. Un passé qui peut nous réconforter car on peut y ressentir une certaine nostalgie, en quelques mots: on souhaite y retourner.

L'absence de narration et de musiques (hors les quelques coupures) est un choix qu'essaye de mettre en avant Tsai Ming-Liang, on voit notamment cette volonté de faire dans ces autres films tels que I don't Want Sleep Alone, La Saveur de la Pastèque ou encore Et là-bas quelle heure est-il ?. Le réalisateur souhaite montrer qu'on peut raconter une histoire sans qu'il y ait de dialogues inutiles et explique l'absence de musiques en pensant que celle-ci n'est pas essentielle pour dégager une ambiance ou une émotion. Une réalisation que je soutiens donc, de plus sa façon de procéder permet de ressortir une certaine originalité dans ces films et se distingue très bien des autres films. Cette expérience à vrai dire engendre une certaine lenteur, mais pourtant elle réussi efficacement à le rendre suffisamment attractif pour que l'on ne s'ennuie jamais. Une véritable réussite.

L’esthétisme du film est véritablement bien travaillé lui aussi, les plans fixes, le cadrage, la photographie et les décors dégagent une certaines beautés à l’œuvre.

The Hole est donc une réussite sur beaucoup de points, et nous offre une conclusion poétique et magnifique. Je le recommande à tous, même s'il n'est pas à la portée de tous.

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6
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