The Humbling
5.3
The Humbling

Film de Barry Levinson (2015)

Barry Levinson est un vieux briscard du circuit hollywoodien, un vieux routier de la pellicule à la carrière inégale, mais certains faits d’arme ont fait de lui un réalisateur respecté. Qu’il s’agisse du Secret De La Pyramide, de Good Morning Viêt Nam, Des Hommes d’Influence mais surtout de Rain Man, il est de ces réalisateurs qui rattachent le spectateur à une époque et le ramènent à des souvenirs. Avec The Humbling (l’humilité), Barry Levinson semble gagner en maturité, poser un peu plus propos et caméra et dédier un film entier à Al Pacino, seul acteur de chaque plan du film.

Car oui, ce film est un cadeau à Al Pacino, une œuvre offerte à son génie d’acteur et à son amour du théâtre. Dans la droite ligne de Birdman (coïncidence…), Barry Levinson explore les pensées d’un acteur vieillissant, ancienne gloire atteinte par la sénilité, une maladie qui rend son métier ardu et ses rapports sociaux encore plus. À ce titre la scène d’ouverture, d’un Al Pacino face à lui-même est exemplaire, maniant les champs/contre-champs, alignant les gros plans sur les rides d’un acteur, qui vieillit mieux que n’importe quel grand vin.

Cette facilité qui semble émaner du comédien vient aussi des choix de Barry Levinson. Choix narratifs tout d’abord, par cette histoire racontée par le personnage de Simon Axler. Une histoire qu’il narre à travers ses séances de psychothérapie. Choix judicieux puisqu’il donne de la fluidité au scénario en facilitant les transitions, puis qui pose presque le spectateur en position de voyeur. Choix de mise en scène ensuite, qui rebuteront certains, puisqu’ils se rapprochent du théâtre (la forme rejoignant le fond) et s’éloignent du même coup d’un certain cinéma de divertissement, permettant au film de faire ce que doit faire un acteur de théâtre : poser son texte. Choix des dialogues enfin, parfois érudits, parfois savoureux mais d’un humour faisant souvent mouche tels que : « Tu m’as pas encore assez baisée pour que j’arrête d’être lesbienne. »

La sénilité du personnage, la mise en scène et la narration, outre le fait d’être au service d’Al Pacino, donnent une dimension supplémentaire. Barry Levinson entretient sans cesse cette confusion entre la scène et la vie, entre le personnage et l’acteur. Simon étant persuadé que nous jouons notre vie, mal le plus souvent. Ce qui le place en marge de ses contemporains, entrainant cette solitude qui lui pèse et n’arrange pas ses pertes de mémoire, jusqu’au désespoir. Le désespoir d’un âge qui le rattrape alors qu’il espérait avoir couru plus vite que lui, d’un corps qui lui échappe alors qu’il espérait le rattraper, mais qui donne certaines des scènes les plus cocasses, Pacino n’ayant jamais eu peur du risque de l’autodérision. Son personnage semble peu à peu perdre pieds et le fil de sa mémoire, jusqu’à ce qu’il décide de mettre un point final à sa carrière.

Même s’il est de tous les plans, Al Pacino n’est pas seul dans ce film, bien qu’étant seul au monde. Nina Arandia est insupportable en souriante dépressive prête à dessouder son pédophile de mari, une belle réussite. Greta Gerwig, ici en compagne de Simon et à la recherche d’une identité sexuelle, est beaucoup plus convaincante que dans Frances Ha. Sa mère, Diane Wiest est comme dans chaque film depuis quelques années : trop rare. Tous ensemble donc se prêtent au jeu de Barry Levinson qui n’oublie pas de les rendre drôle, notamment lors de la scène du relaxant musculaire, preuve que le comique de situation fait toujours rire.

Jusqu’à la scène finale, Barry Levinson soigne un film (son meilleur depuis longtemps) touche-à-tout aboutissant à un véritable hommage au théâtre, s’achevant sur la scène finale du Roi Lear et Simon Axler (Al Pacino) dans le rôle titre, clôturant un film sur les apparences et les faux-semblants théâtraux. Car dans cette œuvre, à chaque fois qu’on pense tenir une parcelle de vérité, Levinson nous montre qu’il nous a trompés, jusqu’à cette toute dernière image dont on ne sait pas quoi penser, tant le doute est entretenu et qui rappelle cette citation : « Le roi est mort, vive le roi ! »
Jambalaya
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le 10 mars 2015

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Jambalaya

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