Aux Etats-Unis, The Hunt de Craig Zobel a créé une certaine polémique avant même qu’il puisse sortir le 27 septembre 2019, comme c’était prévu. En effet, après les fusillades ayant eu lieu à Dayton ainsi qu’à El Paso, perpétrées par deux hommes lourdement armés, la société de production Blumhouse décide de suspendre la campagne promotionnelle de sa dernière création et, par la suite, de reporter la sortie du film au 13 mars 2020. Donald Trump lui-même s’exprimera vis-à-vis du film, arguant que le film est raciste (c’est l’hôpital qui s’fout de la charité) et qu’il possèderait une « grande colère et de la haine ». Tout cela rend The Hunt assez intrigant finalement. Que vaut le film qui a réussi à faire trembler jusqu’à Donald Trump lui-même ?
Ecrit par Damon Lindelof, à qui l’on doit les séries Lost (2004), Watchmen (2019) ou encore le chef-d’œuvre The Leftovers (2014), et réalisé par Craig Zobel, qui avait réalisé Compliance (2012) et qui avait déjà travaillé avec Lindelof en réalisant deux épisodes de The Leftovers, The Hunt est une adaptation de la nouvelle Le Plus dangereux des gibiers (1924) de Richard Connell. Cette nouvelle avait déjà été adaptée par Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel dans Les Chasses du compe Zaroff (1932). Avec The Hunt, le spectateur va suivre un groupe de protagonistes, réveillés au beau milieu de nulle part après avoir été enlevés, qui va tenter de survivre alors qu’un petit groupe de riches américains s’adonnent à leur passion préférée : la chasse à l’homme.
Lorsque l’on voit le film de Zobel, on ne peut s’empêcher de comprendre quelque peu les réactions de la droite américaine lorsqu’elle a vu arriver le film en salle, tant The Hunt donne l’impression d’être écrit par un sale gosse. Ici, il n’est aucunement question de développer un argumentaire ou même un discours politique bien précis, mais plutôt de mettre en scène des mises à mort gores tout en se foutant de la gueule de tout le monde. Dès le départ, le film adopte le ton d’une comédie noire, en nous faisant suivre certains protagonistes, laissant ainsi penser au spectateur qu’il s’agit là des héros de l’histoire, avant de les mettre à mort devant ses yeux. Le long-métrage va plusieurs fois se jouer de nos perceptions en tant que spectateur, au point de faire sombrer celui-ci dans la paranoïa : dans un environnement dressé habilement par l’ennemie, tout semble faux, et tout est potentiellement piégé.
La réalisation, assez dynamique, de Zobel permet au film de toujours rester attrayant pour le spectateur, malgré une photographie banale, et tout semble d’une telle gratuité qu’on finit par se laisser porter par ce carnaval de sang et de vulgarité. A ce titre, le retournement de valeur entre les chassés et les chasseurs a quelque chose de purement brillant. Les survivants ont été choisis parce qu’ils avaient des opinions de droite, comme s'il s’agissait de militants pro-Trump (on y revient), et les riches ont un discours de gauche aberrant, s’interrogeant sans cesse sur le caractère oppressant de leurs paroles et refusant d’intégrer une personne noire à leur chasse, arguant le fait que les personnes visées sont tout autre.
Certains y verront là un appel à prendre les armes face à la droite américaine et à leurs idéaux. D’autres y verront une sorte de satyre dystopique dans laquelle la gauche a pris le pouvoir et décide de supprimer les êtres « problématiques », afin de montrer l’exemple. Pour moi, tout ce qu’il y a à voir dans The Hunt, c’est un espèce de gros bordel jouissif en forme de doigt d’honneur géant, qui ne met rien d’autre en scène que l’impossibilité, pour certains, de discuter sans avoir d’a priori. Une impossibilité qui se manifeste de plus en plus aujourd’hui, notamment sur les réseaux sociaux, comme le démontre la fin du film, qui se termine en tirant quelque peu sur les complotistes… Parce que c’était les seuls sur lesquels il n’avait pas encore tiré.
Bien que je regrette qu’il n’ait pas un discours politique plus affirmé et que, à mon sens, l’humour devienne un peu lourd vers la fin du récit, The Hunt reste un véritable bonheur pour l’amoureux de comédie horrifique que je suis. Interprété avec brio par Betty Gilpin magnifiquement badass, le film multiplie les scènes efficaces et intelligentes : la scène dans la station-service, l’arrivée dans le train, la réinterprétation de la fable du Lièvre et de la Tortue, etc… A terme, The Hunt a achevé de s’incarner en sale gosse au moment même où son autre affiche publicitaire est sortie, celle sur laquelle on pouvait voir affichées toutes les critiques que s’était pris le film par la droite américaine après qu’il ait été repoussé suite à la polémique. Une provocation de plus à mettre au profit d’un film que beaucoup voyaient déjà comme une potentielle satire politique engagée et complexe, alors que ce n’était en réalité qu’une énorme blague écrite par un gosse qui avait surement bien besoin de décompresser.