L'histoire, adaptée de la chanson de Bruce Springsteen Highway Patrolman, est celle de deux frères. Joe, ancien agriculteur reconverti en policier incarné par David Morse, est bon avec les gens et cherche à aider son jeune frère Frank à lutter contre ses démons intérieurs qui lui ont toujours causé des problèmes.
Ce qui permet au film de se distinguer est tout d'abord le jeu très satisfaisant des quatre acteurs principaux David Morse, Viggo Mortensen en tant que Frank, Valeria Golino qui joue Maria et Patricia Arquette qui incarne Dorothy, la femme de Frank. Les seconds rôles sont plus anecdotiques bien que les noms soient clinquants: Sandy Dennis, Charles Bronson sans moustache, Dennis Hopper et même une courte apparition du jeune Benicio del Toro. Situé dans des petites villes du Nebraska et de l'Iowa, The Indian Runner parvient sans peine à faire passer ce sentiment de vie dans une prison à ciel ouvert qui poursuit Frank tout au long du récit. Le scénario est plutôt bien ficelé si on excepte LA scène du bar entre les deux frères où Frank explique enfin les raisons de son mal-être et de sa colère permanente. On a du mal à saisir son raisonnement, mais Joe ayant la même réaction perplexe, je me dis que c'était peut-être volontaire.
On se demande tout de même pourquoi le Vietnam est impliqué dans cette histoire. Via les films de leur jeunesse et autres anecdotes, on comprend vite que Frank a toujours été ainsi et il est alors difficile de saisir l'impact que la guerre aurait pu avoir sur lui. Après son retour, on n'en parlera d'ailleurs presque plus, donnant un goût de sous-exploitation à l'ensemble.
Quelques scènes fortes s'immiscent au cours du long-métrage, notamment les accès de rage de Frank qui prouvent si besoin était que Viggo Mortensen est un grand acteur. On regrette toutefois que la métaphore de l'Indian Runner soit ampoulée lorsque, durant la scène finale, Joe perçoit enfin Frank tel qu'il est. En effet, l'allusion à l'Indian Runner implique une idée d'un passé romantique, d'un esprit indépendant avec une certaine notion de noblesse. Appliquer ce concept à la psychologie de Frank parait presque hors de propos.
Sur l'aspect technique, le film tient la route. Rien à redire sur la mise en scène et on soulignera une BO de haute qualité avec Jefferson Airplane ou Creedence Clearwater Revival qui sont utilisés à bon escient et vont à merveille avec l'ambiance des petites villes paumées aux USA.
Pour sa première réalisation, on ne pourra pas reprocher à Sean Penn de manquer d'ambition. Les personnages sont bien écrits même si on peut être en désaccord avec la vision du personnage de Frank proposée par le réalisateur qui le présente comme un esprit libre alors qu'il est au contraire très torturé. Une histoire triste, mais pas dénuée d'intérêt.