The Inhabited Island : 1ère Partie - Stranger par AntoineRA
Titré pompeusement Prisoners Of Power: Battlestar Rebellion sur la jaquette DVD française, il vous faut tout de même savoir un détail qui a assurément son importance. Initialement adapté du livre The Inhabited Island des auteurs et frères russes Arkady et Boris Strugatsky, la transcription cinématographique a nécessité la réalisation de deux longs-métrages durant, chacun, respectivement 1h55 et 1h40. Cette sortie sur DVD française (mais concernant sûrement d'autres pays aussi) ne propose qu'un film de 1h55, qui n'est pas la première partie mais bel et bien un montage des deux pour avoir un film unique, soit la moitié de scènes coupées !
Et cela se ressent indéniablement dans la narration de l'histoire. À de nombreuses reprises l'on se contente de n'être témoins que du résultat d'un évènement sans avoir pu assisté au déroulement des actions qui y ont mené. Par exemple, les protagonistes sont tout le temps emprisonnés puis libérés, puis capturés, sans trop que l'on arrive à savoir comment ils y arrivent. Le rythme n'accorde donc guère de temps morts et enchaîne rapidement les scènes avec un montage vif sans leur laisser le temps de s’illustrer pleinement, notamment les scènes plus émotionnelles, mais aussi celles d'action qui sont vite réglées, ou les dialogues réduits au strict minimum et l'on ne sait pas vraiment qui sont les gentils, et qui sont les méchants. Il reste, heureusement, les grands axes conducteurs du roman et, d'après un des auteurs mêmes, et la majorité des lecteurs, l'histoire est extrêmement fidèle. Cette intrigue, c'est la destinée de Maxim Kammerer, en l'an 2157, qui se crashe sur une planète habitée et découvre un conflit entre une partie de la population et un gouvernement abusant de son pouvoir. De ses actions, il va alors modifier l'équilibre superficiel de cette ville au travers d'une épopée plutôt épique. Si les trois quarts du film sont plutôt accrocheurs et parviennent à se tenir, vers la fin tout s'enchaîne brusquement, avec un cohérence un douteuse par moments, et le finale laisse donc un arrière-goût d'inachevé.
Et c'est ça qui est bluffant avec les films russes de grande envergure, les moyens mis à disposition pour étayer l'univers de l'histoire, et ce malgré un budget plutôt restreint (36 millions pour les deux parties) qui permettrait tout juste de payer dix minutes de plans à effets d'un blockbuster américain. Ne partez donc pas dans l'esprit de voir ce qui se fait de meilleur niveau effets numériques. Néanmoins, c'est loin d'être dégueulasse, généralement crédible et suffisant à accompagner l'histoire. Les décors sont immenses, futuristes, et rappellent parfois Blade Runner de ce look à tendance industrielle. Les véhicules, qu'ils soient sur terre ou dans les airs, ont plus une veine à la Mad Max, avec cette omniprésence de tôles et leur design agressif. Il y a quelques effets spéciaux et incrustations foireuses, mais pas de quoi tenir rigueur à ce film.
Par ailleurs, la réalisation n'est clairement pas amateur. Hormis quelques scènes au look de nanar dans leur déroulement, la mise en scène est, la grande majeure partie du temps, maîtrisée et soignée. Avec un film aussi vaste dans son action, Fedor y adapte une réalisation du même niveau, jouant de plans inventifs et travellings habiles. L'espace est parfaitement géré et la caméra parvient à laisser filtrer pas mal d'idées au travers de ses plans, tout en utilisant souvent des ralentis, surtout pour les combats au corps à corps Il faut également noter que la photographie est haute en couleurs retravaillées pour donner une certaine ambiance au long-métrage. Ainsi, il n'est pas anodin de penser à un The Cell, Dark City, Equilibrium, ou même Total Recall. En outre, le fond musical n'a rien d'exceptionnel. Le thème principal est d'ailleurs peu ragoûtant dans ce mélange d'hymne militaire et de fanfare du village à la trompette claironnante. L'on note néanmoins quelques belles orchestrations sur les moments plus forts, ou à plus grande échelle. Les compositions sont dans l'ambiance du film, que ce soit dans le fond, ou sur la forme qui est assez convenue pour le genre.
Les acteurs, quant à eux, ne doivent pas tous êtres des professionnel. Rien de dérangeant pour les petits rôles qui sont plutôt bien dans leurs personnages. Les seconds rôles également, surtout la brochette des Pères Inconnus auxquels les acteurs donnent une fière allure et de la crédibilité. On a aussi le lieutenant, sorte d’ersatz de Richter (Michael Ironside) dans le film de Verhoeven. Et puis le bras droit du protagoniste qu'on ne sait pas trop par quel bord prendre, et la conquête amoureuse au physique plutôt attirant. Enfin, le héros principal, joué par Vasiliy Stepanov, sorte de croisement entre Alexander Pettyfer et Hayden Christensen. Je en sais pas si son scénario le lui dictait, mais il conserve toujours un air assez ahuri, avec un sourire niais qui le ferait passé pour efféminé. L'acteur n'est clairement pas le meilleur choix pour porter le film sur ses épaules.
En adaptant ce roman russe de 1969, Fedor Bondarchuk ravive également le thème majeur qui en ressortaient, à savoir un critique satirique du régime soviétique agissant de façon similaire (même si avec la fin....), mais qui peut également s'appliquer au monde actuel du fait de son environnement futur. Malgré un scénario bien trop hâté sur ce melting-pot des deux films en un seul qui s'avère être le point noir majeur, cette œuvre de science-fiction demeure de plutôt bonne facture dans sa réalisation. Surtout du fait qu'il ne s'agisse pas du genre de film d'un réalisateur qui pense être arrivé au sommet de son art, mais plutôt un long-métrage aux fortes ambitions visuelles, parfois maladroitement exécutées, mais souvent bien prometteuses.