Le fond des espions
Dire qu'il était censé, en 2012, ne plus faire de cinéma !Steven Soderbergh fait pourtant coup double en 2025. A peine un mois après son faux film de fantôme, Presence, le revoilà sur grand écran...
le 13 mars 2025
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2025 est bien l’année du retour sur le grand écran de Soderbergh : après la jolie (petite) réussite qu’a été Presence, film de fantômes qui n’en était pas un tout en étant un, le voilà déjà de retour avec un remarquable « film d’espionnage », qui est tout autant un exercice de style que Presence, mais qui, là aussi, raconte bien d’autres choses que ce qui nous est vendu, en particulier par une bande annonce trompeuse sur à peu près tous les plans.
Certes, The Insider (titre « français » d’une incompréhensible bêtise, n’ayant rien à voir avec le film, alors que Black Bag, le véritable titre, fait référence à un mot de « code » utilisé dans les relations amoureuses ou amicales entre « agents », expliquant pourquoi ils ne peuvent dévoiler certains aspects de leur vie privée) est bien – au moins au départ – l’histoire de la recherche d’un traître au sein d’une organisation britannique type MI-6. Mais, très vite, on réalise que, alors que le script de David Koepp, excessivement malin (ne laissez pas votre cerveau au vestiaire en allant voir ce film !), déroule une double – au moins – manipulation pour déboucher sur une révélation finale très satisfaisante, Soderbergh fait encore un autre film que celui que raconte son scénario !
Enchaînant les longues scènes de discussions autour d’une table, d’analyse chez le psy, de tests au polygraphe, Soderbergh construit pas à pas une fresque à la fois terrifiante et drolatique sur des personnages gravement perturbés, pervers, menteurs et manipulateurs comme les espions doivent (?) l’être, mais appliquant les méthodes développées pour contrecarrer les espions russes à leur vie privée, amoureuse et conjugale ! Au centre de Black Bag, il y a donc ce couple d’agents brillants, prêts à défendre leur petite cellule conjugale contre toutes les agressions extérieures – même en tuant ceux qui les menacent -, dont on va apprécier durant une heure et demi l’intelligence impitoyable. Autour de George et Kathryn (Fassbender et Blanchett, brillants et brillamment dirigés par Soderbergh), plusieurs personnages, tous susceptibles d’être les coupables de la machination contre eux, vont passer à la moulinette sans pitié de nos deux « héros ». On appréciera particulièrement le rôle du toujours impeccable Tom Burke, mais il n’y a aucune faiblesse dans le casting du film (ce qui est d’ailleurs une constante dans la filmographie de Soderbergh), à part peut-être un Pierce Brosnan à la peine et décalé par rapport à son personnage.
Magnifiquement écrit, avec des dialogues d’une subtilité rare – les deux scènes (du début et de la fin) autour de la grande table de la salle à manger de Kathryn et George sont merveilleuses de complexité et d’inventivité, avec des mots qui tuent plus sûrement que des balles -, Black Bag est avant tout d’une belle élégance en termes de mise en scène : Soderbergh s’amuse, avec la virtuosité qu’on lui connaît, à construire un film dont la sophistication est au service de la peinture des personnages. Tranchant, froid, hyper-efficace, d’une folle précision, Black Bag laissera certainement sur la touche pas mal de spectateurs à la recherche d’un spectacle facile et accueillant, ou, plus généralement, d’émotions fortes, quelles qu’elles soient.
Pour les autres, c’est un régal.
[Critique écrite en 2025]
https://www.benzinemag.net/2025/03/13/the-insider-de-steven-soderbergh-un-couple-dans-la-tourmente/
Créée
le 14 mars 2025
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