Pour lire avec ce que j'ai écouté en écrivant. Soko - I thought I was an alien. Album intégral
La difficulté d'une telle critique est qu'il en résulte souvent un questionnement quant à l'idée et la vision du bonhomme et la manière dont ces idéaux parviennent à nous toucher, à nous remuer.
Finalement, ce que l'on vient à critiquer (positivement ou négativement), c'est la grille de nos valeurs et représentations. Si l'on est en accord avec le message de fond la note et partant la critique, tout sera positif. Critique laudative, enthousiasme communicatif.
À l'image de ce que je vais dire sur ce documentaire
Avant de commencer à jeter des fleurs par paquet de douze à ce documentaire, je voudrais relever quelques points moins attrayants qui m'ont quelque peu interpellé.
On retrouve dans ce documentaire quelques (très rares) interventions peu pertinentes qui ne font pas avancer le propos et n'apporte pas d'éclairage sur la vie privée ou bien le combat de Swartz.
Au delà de cela, le pointilleux trouvera dommageable de ne pas avoir assez de témoignage des détracteurs de Swartz. Il est difficile de le reprocher pleinement aux réalisateurs, leurs tentatives d'interview ont été déboutées par le MIT, par JSTOR, par le procureur Carmen Ortiz et d'autres.
Pour finir on ne peut s'empêcher de fustiger la volonté des réalisateur d'appuyer le tragique du destin de Swartz à grand renfort de larmes et de musique, parfois malvenues je trouve - mais la vie et la fin d'Aaron Swartz étant dramatique, le côté pathos était presque inévitable.
Note bien que les points négatifs sont infimes. Car pour le reste ce documentaire rend parfaitement justice à ce que fût la vie et le combat du créateur de Reddit, Creative Commons, RSS ...
Commençant par les images d'archives du jeune génie, le documentaire sur Swartz se présente de manière chronologique, sans véritable originalité de ce côté là. On pardonnera ce manque d'originalité par le travail de recherche effectué par les réalisateurs qui se révèle conséquent, malgré le côté biaisé - one sided - dont je parlais auparavant.
En éclairant l'infâme néophyte que je suis sur la personnalité de cet esprit du XXIème siècle, ce documentaire semble moins prétendre apporter des réponses que mettre en lumière la vie et la tourmente d'Aaron Swartz, dénonçant la cabale dont il fût l'innocente victime, sacrifié par un système judiciaire proprement injuste. L'appel à la désobéissance civile, la volonté de montrer que l'on se trompe de cible et rendre justice à titre posthume à un jeune homme poussé au suicide par un gouvernement aussi corrompu qu'inhumain, le documentaire met tout cela en exergue. Respectant la pensée et le message véhiculé par Swartz, les réalisateurs optent pour un format sobre, sans fioritures, sans originalité diront les plus chagrins. Ce n'est pas un mal, malgré le fait qu'une petite part de moi aurait aimé une prise de risque.
La plus grande réussite de ce documentaire c'est son sujet. Outre son côté de génie/geek attachant et un peu mélancolique on se sent quelque part fier d'être humain lorsque l'on voit son côté curieux, féru de connaissances techniques puis sa découverte de l'activisme et l'affermissement d'une vision d'un internet libre, dégagé des contraintes de surveillance que lui impose les états, lieu de partage de la culture, d’émulation, de création, de savoirs, d'entraide.
On notera que ce documentaire, dans la lignée d'autres, redore l'image du Hacker ce qui est a mettre au crédit de ce type de reportages.
Surtout, je pense que ce documentaire m'a parlé en interrogeant ma propre inactivité sur des thématiques que je partage pourtant largement. On prendrait presque pour soi la phrase
Quelle est, au monde, la chose la plus importante sur laquelle je devrais travailler maintenant ? Et si vous n'êtes pas en train de travailler dessus, pourquoi donc ?
et en un sens, c'est toujours bon, un petit coup de pied au cul. Une petite piqûre qui te rappelle que toi, assis derrière ton écran, tu pourrais aussi faire changer ce monde absurde, ce système qui se marche sur la tête. Parce que tu n'en est pas miraculeusement isolé, et que l'observer de loin avec un sourire narquois fait que tu approuves tacitement son fonctionnement. Comme je me sens solidaire des thématiques, comme d'autres reportages m'accrochent à d'autres sujets, je me dis que moi aussi il faudrait que je participe un peu, que je m'engage. Je ne dis pas que ce documentaire changera complètement les consciences, loin de là, mais il participe à bouger un petit peu la mienne en traitant de ces sujets qui me touchent.
Enfin je parlais tout à l'heure du final jouant à fond la carte du pathos, mais comment ne pas chercher à émouvoir lorsque l'on pousse au suicide un gars dont le seul but est de dire la vérité, de partager la connaissance, de changer un peu le monde en bien. Alors que les types de Goldman et autres traders assimilés et grands profiteurs de la misère humaine se tape des bouffes avec le président et dirigent en toute impunité le monde. C'est bête, comme conclusion, c'est un peu manichéen aussi. Mais c'est assez vrai, finalement.
Prenez donc 1h40 de votre temps, que vous soyez absolument incollable sur le sujet ou bien complètement étranger à la question du libre partage et de la protection de vos droits, étranger ou connaisseurs de l'affaire Swartz. Le documentaire n'est pas en soi révolutionnaire mais son sujet vaut le détour, étant traité avec sérieux et beaucoup de bienveillance.