D'entrée de jeu, le spectateur est mis sous tension, exactement comme le film de Gérard Jugnot : "Fallait pas", sur le massacre de l'Ordre du Temple Solaire. Jugnot se plante en voiture dans la neige. Will fait pareil contre un animal sur la route en se rendant avec sa nouvelle compagne Kira à une invitation sympathique entre amis de longtemps. Et les parallèles sont nombreux entre ces deux films. Jugnot rata le sien, sur la merveilleuse chanson de Renaud : "Fallait pas !"
Karyn Kusama le réalisateur de "L'invitation" a tout compris. Au lieu de faire passer les membres d'une secte pour des demeurés, il laisse son acteur principal dans le silence, et nos questions remontent ainsi avec le plus grand sérieux. C'est quoi, ça ? C'est quoi cette invitation qui sent le prosélytisme sectaire affligeant ? C'est bien ça ? Et le film se développe comme un thriller qui ne permet pas de répondre aux questions qui se posent. C'est très fort ! Ce sont dans les toutes dernières secondes du film que soudain l'infernal piège de fou se referme. A la place des autres, j'étais donc foutu moi aussi. On n'en ressort pas entier parce que les films et documentaires sur les sectes et dérives religieuses s'affichent comme des scandales impensables. Alors comment tant de victimes se font tuer, se suicident, y entrent et ne peuvent plus en sortir ? Dans le film aussi, vite, on découvre qu'on ne peut plus sortir de cette villa intra muros. Pas de connexion téléphonique, rien de rien, portes fermées et barreaux aux fenêtres. Tout va bien, c'est la norme en campagne contre les vols. Et tout est ainsi, c'est parce qu'on suit le film qu'on se fait avoir. A voir et revoir pour ce qu'il est : un chef d'oeuvre brut de coffre et une réalité qu'on ne montre jamais de l'autre côté du miroir. Tarkovski avait fait "Le miroir" sur l'identification de son âme quand le mal-être se pose et fait barrage. Murnau avait fait "Tabou". Karyn Kusama a fait "L'invitation". Et je n'en vois pas d'autres à un tel niveau.