The Killer
7.6
The Killer

Film de John Woo (1989)

Revoir The Killer trois décennies après sa sortie exige quelques ajustements. Après Le Syndicat du Crime, c’est véritablement l’acte de naissance de John Woo sur la scène internationale, et celle d’un cinéma qui deviendra iconique au point d’inspirer une génération entière de cinéastes.


On retrouvera ainsi condensés tout ce qui fait l’esthétique d’un polar où s’enchainent les impasses mexicaines (soit le flingue braqué simultanément sur deux, trois ou davantage d’opposants au même moment) et les gunfights épiques à grands renforts de ralentis, de colombes blanches et de mobilier savamment déchiqueté.


Le scénario alterne avec la régularité d’un métronome les séquences de dialogue aux enjeux « psychologiques » préparant le gros œuvres, fusillades jouant de la diversité des lieux et du nombre de participant selon une gradation savamment étudiée. D’un appartement à un parking souterrain, avant un final grandiose dans une église qui va condenser toute la solennité du spectacle (cierges, vierge de porcelaine explosant au ralenti), la liturgie est d’une maitrise folle pour qui accepterait d’avoir la foi en ces chorégraphies étudiées au point d’en faire emporter l’esthétique sur l’action au sens propre. Le ralenti, chez Woo, est une pose, une insistance qui jubile d’un certain effondrement, d’une destruction d’une paroi, d’une explosion, de la réception agile d’un mitrailleur envoyé à travers la pièce, et qui se présente comme la finalité même de la séquence.


Il en sera de même sur la manière dont tous les autres enjeux seront surlignés : code de l’honneur, histoire d’amour fondée sur la rédemption, duo jouant sur les opposés entre le flic et le gangster que les valeurs chevaleresques finissent par unir : Woo a beau s’inspirer de figures comme celle de Melville (Le Samouraï est explicitement convoqué), la tonalité n’est vraiment pas la même, et la mièvrerie, le jeu excessif ou l’humour limité imposent une vraie bienveillance.


Mais, on le sait, la mythologie ne fait pas dans la dentelle. Et voir débouler ces multiples candidats au massacre en roulé boulé ninja à la sortie d’une voiture en marche est un plaisir qui se suffit à lui-même, dans un ballet de plomb où les morts, les blessures et les sacrifices importent finalement moins que la manière dont les silhouettes brisent les vitres et les coursives s’éboulent sur les tireurs. Car le héros d’épopée entre avant tout dans la postérité par ses hauts faits, et que ces chevaliers des temps modernes laissent derrière eux de bien rutilantes ruines.

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le 4 janv. 2021

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Sergent_Pepper

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