Le hillbilly est un peu l’équivalent littéral de notre expression « crétin des Alpes ». Aujourd’hui, la figure méprisée du pèquenaud n’est plus du tout liée aux personnes vivants dans les montagnes, car anciennement, celui qui vivait dans ces montagnes était éloigné de tout. Surtout, il avait peu de moyens de rejoindre la ville, ou alors cela lui prenait un temps fou. Coupé de toute infrastructure, mais travaillant souvent dans des conditions très difficiles (les mines pour les ancêtres du last hillbilly), le crétin des Alpes était la figure de celui sans éducation, le bouseux par excellence, celui que les couches moyennes, voire les pauvres (mais pas trop) pouvaient à leur tour mépriser car en-dessous d’eux. Cette expression et figure a apparemment été ravivée par les arrogants Démocrates des grandes villes lors des élections de Trump.


The Last Hillbilly rend hommage à ces méprisés, et en même temps nous fait très bien ressentir et comprendre pourquoi ce hillbilly, père d’une tripotée d’enfants (la mère ne sera absolument jamais évoquée, peut-être est-elle partie ?), est le « last one ». L’excellente musique, peut-être trop appuyée dans un premier temps, nous fait ressentir ce déclin inéluctable, ces changements brusques (l’arrivée de certaines technologies dans un monde où l’on se nourrissait encore il y a peu en chassant du cerf) et cette inquiétude devant un avenir trouble. Le grain de l’image, le cadrage, les couleurs et un clair-obscur, tous magnifiques, donnent forme à un documentaire fascinant où des gosses se baladent smartphone à la main dans une nature sauvage. C’est l’anti-Sciamma : les enfants, même dans l’ennui le plus absolu, sont filmés tels qu’ils sont, à savoir imprévisibles, libres à leur manière.
Au coin du feu, le père tentera d’expliquer à ses enfants l’état des choses, les bouleversements qu’il a vu s’opérer devant ses yeux au cours de sa vie dans cette région que l’on quitte pour ne plus jamais revenir, ou que l’on ne peut jamais quitter, par contrainte ou par amour.


Ni mépris du bouseux, ni idéalisation du sauvage qui vivrait « naturellement », juste un chant au coin du feu, juste deux marmots qui pèchent un poisson mort avant de l’enterrer en feintant une cérémonie officielle. Superbe.

Seingalt
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le 10 juin 2021

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