Le plus beau film d’exploration qu’il m’ait été donné de voir, avec Dersu Uzala de Kurosawa et Aux sources du Nil, le grand film mésestimé de Bob Rafelson


La séquence liminaire, une chasse à courre au terme de laquelle le major Percy Fawcett abat un cerf (scène qui n’est pas sans rappeler l’ouverture du Dernier des Mohicans de Michael Mann) est une introduction parfaite au principal protagoniste de l’œuvre de Gray : intrépide jusqu’à l’inconscience, précis comme un scalpel et faisant fi de tout danger…


Tout au long des deux heures et vint et une minutes que dure cette quête de la cité Z, James Gray, tel un entomologiste, observe à la loupe l’obsession de cet homme hors du commun pour une civilisation perdue, préexistante à la présence de l’homme Blanc , entre la Bolivie et le Brésil, aux sources du Rio Verde….Quête d’une cité réelle ou fantasmée , le réalisateur de Little Odessa entretient magistralement l’ambigüité, et débouche sur un final aux lisières de l’onirisme et du fantastique tout simplement magistral.


C’est la conviction de Fawcett (Charlie Hunnam, voix rauque, charismatique, habité par son rôle) qui émeut, une conviction que n’érodent pas les échecs successifs, les dangers de l’Enfer Vert, pas même l’éloignement géographique de sa famille. Une conviction magnifiquement illustrée par la séquence du conseil de la National Geographic society, à la puissante littéralement galvanisante, où un Fawcett possédé par son démon convainc par sa fougue et son éloquence une assemblée dubitative.


Car James Gray explore deux pistes : le film d’exploration, avec son cortège d’aléas, de morts violentes et la réalisation toujours différée de la découverte ; tout en illustrant, encore et toujours, sa thématique de prédilection : le déchirement d’une famille et ses soubresauts, et l’amour, qu’il soit paternel ou matrimonial.


Rythmé par les retours successifs de Fawcett en Angleterre, le film s’attache ainsi au personnage de Nina Fawcett (la très belle Sienna Miller) et à son indéfectible amour pour son mari, irréductible à la distance et à l’éloignement. Ce qui débouche sur des échanges tantôt empreints de tendresse, tantôt sous-tendu par une amertume latente («Tu n’imagines pas ce qu’est la jungle, l’enfer et la douleur ; Ce n’est pas un monde de femme »– « Tu me parles de douleur ? Mais que sais-tu de la douleur d’un accouchement ? Jamais un homme ne vivra ça » -« Ecoute, là je te parle de maladies qui font vomir du sang, de sangsues qui rampent sous la peau, d’hommes vivants puis morts l’instant suivant »…).


De l’impact foudroyant d’une flèche sur un carnet de voyage aux adieux déchirants d’une famille, éclairés par les lueurs hésitantes d’une Aube mordorée, des lambris luxuriants de demeures anglaises cossues aux abîmes insondables de l’Enfer Vert, James Gray marque de son empreinte indélébile le genre souvent malmené du film d’aventure.


Entre quête dérisoire et vertige de l’échec, le cinéaste touché – une fois de plus – par la grâce signe un film splendide qui frôle dangereusement le chef d’œuvre.

pierreemmanuelhun
9

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 21 mars 2017

Critique lue 358 fois

3 j'aime

Critique lue 358 fois

3

D'autres avis sur The Lost City of Z

The Lost City of Z
Vincent-Ruozzi
7

Uncharted

Avec six films à son actif en vingt-deux ans de carrière, James Gray est un réalisateur qui sait se faire désirer. Dans The Lost City of Z, Gray abandonne la jungle New-Yorkaise qu’il connaît si bien...

le 19 mars 2017

102 j'aime

12

The Lost City of Z
Antoine3
5

Ils avaient de belles fesses ces indiens

Je sors à l'intant du cinéma, que dire mis à part que c'était fort long pour ce que c'était. Je m'attendais à une belle aventure dans la jungle, à des découvertes d'anciennes civilisations, à trouver...

le 15 mars 2017

83 j'aime

7

The Lost City of Z
boulingrin87
3

L'enfer verdâtre

La jungle, c’est cool. James Gray, c’est cool. Les deux ensemble, ça ne peut être que génial. Voilà ce qui m’a fait entrer dans la salle, tout assuré que j’étais de me prendre la claque réglementaire...

le 17 mars 2017

80 j'aime

15

Du même critique

Je ne suis pas un salaud
pierreemmanuelhun
9

Bouleversant et abrasif...

Mon coup de coeur cinématographique de ce début d'année. Emmanuel Finkiel ausculte la lente dérive sociale et affective d'un homme qui perd peu à peu ses repères sociaux. Agressé lors d'un soir de...

le 28 févr. 2016

13 j'aime

4

The Lost City of Z
pierreemmanuelhun
9

Quête dérisoire et Vertige de l'échec...

Le plus beau film d’exploration qu’il m’ait été donné de voir, avec Dersu Uzala de Kurosawa et Aux sources du Nil, le grand film mésestimé de Bob Rafelson… La séquence liminaire, une chasse à courre...

le 21 mars 2017

3 j'aime

Kingdom of Heaven
pierreemmanuelhun
9

"Le Royaume de la conscience"

Une somptueuse épopée, narrant la geste d'un forgeron devenu Croisé, d'un Croisé devenu défenseur de Jérusalem, pris dans la tourmente de l'amour et de l'obscurantisme. La version "Director's cut"...

le 6 mars 2017

3 j'aime