La carrière internationale du cinéaste Wim Wenders est parsemée de films cultes reconnus des cinéphiles : Les ailes du désir, Paris Texas, l'ami américain...The million dollar hotel ne fait pourtant pas parti de cette catégorie. A sa sortie, à l'exception de l'obtention du lion d'or à Berlin, le film est passé inaperçu. Pire encore, une de ses vedettes, Mel Gibson, a renié le film en interview. Le grand public l'a de même oublié aussi vite...
Mais comment et pourquoi cette histoire a-t-elle su me captiver ?
Eh bien, d'abord , The million dollar hotel c'est avant tout une ambiance et des sensations. Wenders donne dès la première scène un ton aérien grâce à sa mise en scène , usant de travellings et de ralentis. La caméra de Wenders étire le temps, se focalisant sur des détails, des non dits qui en disent long. Les amateurs du dyptique Les ailes du désir / Stay (far away so close) apprécieront de reconnaître le style du cinéaste. Les thématiques sont aussi présentes : un amour impossible entre deux êtres perdus , une certaine mise en avant des rejetés de la société cherchant leur humanité...
The million dollar hotel c'est aussi une ambiance musicale participant pleinement au côté « planant » du film. Pour la petite histoire, le titre et le synopsis du film sont apparus dans la tête de Bono, le célèbre leader du groupe de rock U2, lors du tournage du clip de « where the streets have no name ». Les titres inédits de U2, les compositions du « million dollar band » formé par Bono, Daniel Lanois, Brian Eno et Jon Hassel comptent parmi les points forts du film, mêlant légèreté et gravité, pesanteur et apesanteur...
Enfin , c'est surtout un film d'acteurs , et même un film de gueules et de révélations. Jeremy Davies se montre touchant dans le rôle de Tom Tom, gentil retardé qui regarde d'un œil lointain cet hotel prendre vie suite à la mort de son ami. Éloïse, l'objet de toutes les attentions de Tom Tom est campée par Milla Jovovich, déjà révélée dans le 5e élément mais pas encore enfermée dans les séries B inoffensives. Elle fait preuve de justesse dans un rôle casse gueule, et étonnera même les mélomanes avec sa reprise du titre de Leonard Cohen « satellite of love ». Mais plus encore que le couple principal, Wenders se fait (et nous fait) incroyablement plaisir en filmant une galerie de seconds rôles tous azimutés et hauts en couleur, avec une mention spéciale pour Peter Stormare, hilarant en soi disant « cinquième Beatles » . Cependant, la grosse surprise côté casting reste assurément la présence de Mel Gibson dans un rôle en apparence dans ses cordes d'agent « badass », mais qui verra resurgir nombre de fêlures personnelles au contact de Tom Tom et sa bande de rejetés.
En résumé, Wim Wenders s'offre ce qui restera comme une petite parenthèse oubliée dans sa grande filmographie . Mais pour quiconque s'y attarde, elle pourrait bien devenir enchantée. Le scénario , simple en apparence, n'est pas qu'un vulgaire prétexte à une enquête policière fade et inodore. Ce petit film touche à l'essence même de l'amour « pur » et « idéal », entre deux êtres innocents , hors de la réalité. Un amour hors du temps, hors de la mort... Laissez vous charmer par cette perle méconnue.