"The Mission" a une place privilégiée dans la pléthorique filmographie de Johnnie To : c'est pour la plupart des cinéphiles français le film de "la première fois", celui grâce auquel nous avons découvert ce grand styliste du polar, en 2001. Est-ce pour autant l'un des meilleurs Johnnie To ? Probablement... Faisant passer le pur style avant la clarté narrative - au sens où on l'entend en Occident -, l'élégance de la mise en scène avant le suspense policier, la "surface" (le look des acteurs, les figures et signes qui pullulent à l'écran) avant la profondeur psychologique et humaine, "The Mission" est un beau film un peu froid, qui court même le risque de la vanité, mais un film d'une classe indiscutable. Johnnie To parvient (presque, car la compréhension n'est pas toujours aisée, plusieurs visions du film aideront le spectateur à en saisir toute la complexité) à raconter une histoire par le biais de la pure mise en scène : ce choix de travailler la composition du plan et la logique de l'espace plutôt que le mouvement donne d'ailleurs un résultat sidérant lors de l'incroyable gunfight "immobile" du centre commercial, une scène qui marquera la mémoire... Avec les années, on s'est rendu compte que Johnnie To a apporté dans "The Mission" une touche très personnelle au film de genre, entretenant ici une distance à la fois ironique et mélancolique avec le polar (on peut s'amuser à voir des citations de Melville ou de Kitano, surtout dans le traitement des scènes d'attente, où il ne se passe rien). Ces choix visuels et chorégraphiques (en particulier l'immobilité absolue contre l'habituelle frénésie made in HK) fascinent durablement. [Critique écrite en 2005 et modifiée en 2015]