Connu pour ses courts-métrages horrifiques, Ryan Spindell s'est récemment illustré en signant le segment "Scared Stiff" de la série anthologique "50 States of Fright" produite par Sam Raimi. La filiation avec l'esprit de cette figure emblématique du genre y était déjà évidente, on y retrouvait ce même amour pour l'humour noir des sketches macabres d'antan et une représentation si généreuse de l'horreur à l'écran qu'elle évoquait l'imaginaire d'une vieille BD "Tales from the Crypt" oubliée depuis trop longtemps dans un grenier...
Il est donc presque logique de voir Spindell poursuivre dans cette voie et le retrouver aujourd'hui à la tête de sa propre anthologie horrifique en guise de premier long-métrage ! Les premiers instants nous dévoilant cette étrange maison funéraire et son maître des lieux (parfait Clancy Brown et sa voix caverneuse) visiblement figés par le temps ne trompent pas, le réalisateur/scénariste convoque comme attendu tout le barnum esthétique le plus savoureusement rétro de l'horreur pour concocter une atmosphère sépulcrale dont seules les teintes très colorées semblent avoir été délavées par le poids des années. À travers chacune des histoires qui vont être racontées par le propriétaire de la lugubre demeure à une jeune postulante chargée potentiellement de l'assister, il faut bien avouer que cette vénération du genre que l'on décelait déjà chez Ryan Spindell atteint ici une sorte de firmament dans le souci du détail apporté à chaque scène pour ressusciter le meilleur de l'esprit 80's de la catégorie. Du seul point de vue formel, tout paraît en effet minutieusement étudié avec brio pour faire de "The Mortuary Collection" un vibrant hommage à une certaine vision de l'horreur et à sa narration en forme de fable, où une morale cruellement drôle peut engendrer aussi bien l'excès cartoonesque le plus inattendu de violence que l'intelligence d'une très habile métaphore fantastique. Bref, si vous êtes nostalgiques des contes racontés par un gardien d'une certaine crypte ou d'un Creeper sur vos écrans, autant dire que vous êtes entre de bonnes mains avec cette entrepreneur de pompes funèbres à la langue bien pendue sur la vie de ses clients inanimés !


D'ailleurs, qu'est-ce qui définit une bonne histoire d'horreur ? Grâce à une mise en abîme plutôt pertinente, Ryan Spindell place nos mots de spectateurs dans la bouche de la jeune femme en demande insatiable de frissons face au conteur. La première histoire anecdotique sur une voleuse trop curieuse a une morale trop attendue ? Soit, la deuxième sur un étudiant séducteur aura plus de fond avec un propos féministe aussi drôle que très bien pensée. Vous en voulez encore plus dans le glauque ? La troisième autour d'un mari dépassé par la condition catatonique de son épouse risque de satisfaire vos attentes...
Mais, aussi bien élaborées soient-elles, on en arrive à la même conclusion que les mots prononcées tout haut par la jeune future employée : ces histoires sont toutes plus ou moins prévisibles. Et c'est peut-être finalement le problème majeur de "The Mortuary Collection" jusque-là : le film se laisse suivre le plus agréablement du monde grâce à la volonté de son auteur de nous installer dans un cocon de nostalgie à l'écoute de ses histoires au coin d'un feu infernal, mais il semble tellement respectueux des codes de ce qu'il cherche à raviver qu'il en devient lui-même prisonnier, comme incapable de proposer la moindre surprise... en attendant sa dernière partie.


L'approche méta du film va en effet prendre encore plus de sens avec sa quatrième histoire (et ses conséquences dans son ultime acte) qui va venir bouleverser le classicisme apparent de l'ensemble et le dialogue entre ses deux principaux personnages. Il faut reconnaître que la tentative est maligne, Ryan Spindell va même très loin dans la mise en abîme en faisant appel à son propre travail (son court-métrage "The Babysitter Murders"), et l'ensemble se tient de façon cohérente avec toutes les histoires antérieures qui traversaient les époques pour aboutir sur un présent remixant malicieusement leurs finalités féroces sur le sort de leurs protagonistes. Toutefois, ce que Spindell veut nous présenter à tout prix comme un chambardement majeur de notre perception du film n'est peut-être pas aussi surprenant qu'il le voudrait. On ne fera pas la fine bouche sur l'idée en elle-même ou son exécution, là-dessus comme sur le reste, Spindell se montre à la hauteur pour bien emballer tout ça, mais il est difficile d'en ressortir totalement renversé par le caractère prétendument si imprévisible de la chose tant les pions paraissaient avoir été mis en place avec insistance afin que quelque chose de plus important éclate ensuite en ce sens (les points communs que l'on évoquait entre les histoires précédentes en premier lieu). De fait, même s'il est plaisant à découvrir, le feu d'artifice avec lequel le film comptait nous laisser à la sortie n'a pas l'effet spectaculaire escompté.


"The Mortuary Collection" n'arrive donc peut-être pas totalement à remplir son contrat pour constituer une anthologie unique en son genre mais Ryan Spindell a au moins le mérite de fournir de jolis efforts pour s'y essayer tout en témoignant en permanence de sa plus vive affection pour un courant horrifique imperméable au temps. Si vous êtes vous-mêmes un fan du genre, vous saurez assurément le reconnaître.

RedArrow
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le 3 nov. 2020

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