Du vide 24 fois par seconde, ça s'appelle le néant (et ça ne fait pas un film)

Visiblement décidé à laisser sa trace plus qu'à véritablement inventer de nouvelles formes, NWR (on va l'appeler comme ça, il y tient vraiment) cherche en permanence le truc et l'image qui vont faire mouche. (Enfin, "les" trucs, et "les" images.) Certains fonctionnent, d'autres non. Et faute de récit à se mettre sous la dent – la forme écrasant largement l'intrigue – on se prend donc à jauger les "idées" qui se succèdent, plus ou moins inconsciemment ("tiens, en contreplongée, Jesse semble léviter au dessus de la piscine tel un fantôme, mouais, pas mal"). Chaque plan y passe, et de se rendre compte combien cette recherche continue de l'épate isole des vignettes en mouvement qui peinent cruellement à s'enchainer.


Le résultat : une série de concepts et d'images soignées qui se succèdent. Qui sont comme les pages glacées d'un magazine de mode que l'on feuillette, passant rapidement d'une série de photos, ou de publicités (puisque c'est au final la même chose), à l'autre. Or, aussi belles soient les images (et certaines le sont, c'est indéniable), cela ne fait pas un film.


Car les plans de NWR oublient juste une chose : de faire sens... Ils sont vides de signification, ne captent pas grand chose hormis la volonté (presque désespérée) d'affirmer une identité visuelle, ne témoignent de rien si ce n'est du narcissisme un peu beauf du réalisateur, qui s'efforce, pendant deux heures durant, de nous sortir une succession de séquences plus chiadées les unes que les autres.


Le drame véritable se trouve dans l'enchainement de ces plans qui ne captent rien, de ces ralentis tous plus vains les uns que les autres (que d'images inutiles, vraiment !), qui par leur incapacité à se succéder et à se compléter pour construire et faire avancer un récit, ne font que révéler la difficulté qu'a le réalisateur (aussi scénariste, bref, "auteur") à raconter une histoire.


Ramassés, les dialogues sont une succession affligeante de platitudes ou de punchlines plus ridicules les unes que les autres. Les réflexions sur la notion de beauté et la valeur de celle-ci dans nos sociétés, sont assénées avec la légèreté d'un semi-remorque. Tout comme la supposée critique du milieu de la mode que certains semblent deviner (ou non). Que ce soit volontaire ou pas, ce Neon Demon est de toute manière plus une leçon de narcissisme que de cinéma.


Pire, il prend le spectateur de haut (NWR est tellement intelligent), force bien le trait à chacune des trois ou quatre péripéties caricaturales que contient le film (Jesse jette les fleurs de manière rageuse après avoir jeté son copain, juste au cas où on n'aurait pas compris que c'est vraiment fini entre eux) et fait parfois preuve d'une maladresse affligeante (ou de lâcheté, selon – on pourrait parler de la scène de cannibalisme, mais que dire déjà de la séquence du shooting en studio, avec ce passage aberrant de plans ultra larges à une soudaine succession de plans extrêmement serrés quand Jesse doit se déshabiller, plans qui suscitent l'embarras tant ils crient au spectateur leur soudaine puribonderie ?)


Enfin, sur la "signature" NWR omniprésente sur les cartons du générique d'ouverture (et dans la bande annonce), une question : WKW a-t-il eu besoin de forcer la main du spectateur, de la presse, en signant lourdement ses films de ses initiales ? Non : il a imposé un style, une esthétique, inventé de nouvelles formes poétiques. Ses ralentis, eux, tentaient de capter des textures, des couleurs, qui étaient autant de réminiscences du passé. Il (re)construisait des souvenirs, des moments de l'histoire du monde.


NWR a certainement l'impression d'être un grand metteur en scène, peut-être même de changer le monde. Mais il emprunte beaucoup, invente peu, ne révolutionne rien, fait preuve d'un peu de courage, mais d'au moins autant de maladresse, bref, apporte trop peu de choses pour un film qui peine à raconter ou même simplement capter quelque chose.

justlikeweather
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le 16 juin 2016

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justlikeweather

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