Il s’avère toujours surprenant qu’une production comme The Nightingale fasse parler d’elle – pire encore, en bien ! Cette période de vache maigre artistique le justifie en partie, mais quand même… Les louanges se suivent, elles se ressemblent, elles se copient : on crie hourra à l’unanimité. Pourtant, un tel rape and revenge ne mérite rien de tout cela, et son succès atteste la prostitution du sens critique devant un féminisme qui, au lieu de penser, dénature l’Histoire et dégrade les enjeux véritables du combat pour l’égalité entre les sexes, ici troqués contre un transfert de cruauté depuis le masculin vers le féminin.
Quand elle réalisait Revenge (2018), Coralie Fargeat avait au moins l’intelligence de se jouer des clichés type téléréalité avec ses corps plastiquement aguicheurs, sa lumière surexposée et ses dialogues idiots qui révélaient l’idiotie congénitale des caricatures qu’elle mettait en scène, notamment des trois hommes soucieux d’exploiter la femme comme bon leur semble. Quand il réalisait Brimstone (2017), Martin Koolhoven revisitait le western de façon glaciale et viscérale, insérant le gore et l’ultraviolence dans une démarche avant tout esthétique, à la manière d’un Quentin Tarantino. The Nightingale enchaîne les séquences choc qui n’ont pour autre fonction que de choquer, multiplie les gros plans sur viols, pendaisons et coups divers afin d’exploiter chez le spectateur ce fond de révolte spontané devant une dégradation forcée des corps et des valeurs humaines.
Le dolorisme putride du film mute en complaisance, la tribune politique se change en règlements de comptes stériles : pas de mise en scène, seulement une juxtaposition de scènes laides et pénibles qui délivrent un point de vue outrancier sur l’Histoire de l’Australie, suivant lequel tous les Noirs étaient traqués pour ensuite être pendus aux arbres – le fondement de l’esclavage ne réside-t-il pas davantage dans la traite de ces esclaves utilisés comme main-d’œuvre, et non dans leur massacre généralisé ? –, toutes les femmes étaient violées par des hommes de pouvoir tous diaboliques. Un produit abject.