1825, sur l'île de Tasmanie, récemment colonisée par les anglais, une jeune irlandaise au joli brin de voix, mariée et mère d'une petite fille, vit sous la coupe d'un officier anglais qui abuse d'elle régulièrement. Un jour qu'elle demande son émancipation, il la viole à nouveau avec un subalterne, tue son conjoint, son nouveau né et la laisse pour morte. Elle part à sa poursuite, s'adjoignant les services d'un pisteur aborigène.
Un rape and revenge qui sort des sentiers battus, tout un programme !
Original, The nightintale l'est avant tout par son contexte, la Tasmanie du début du XIXème n'ayant guère (jamais ?) les faveurs du cinéma quelque soit le genre. La reconstitution semble fidèle et l'organisation de cette société mi rurale, mi pénitentiaire, de laquelle sont exclus les natifs, paraît crédible. D'autre part, avec pour ciment la haine du colonisateur anglais, la relation unissant l'irlandaise et l'aborigène donne au film un tour politique et sociétal. Habile à notre époque de repentir post-colonial, ce rapprochement peut paraître hasardeux dans sa comparaison entre colonie de peuplement pour l'Irlande et génocide pour l'Australie mais le binôme fonctionne correctement et la fin différencie clairement le destin des représentants des deux peuples dans une dernière séquence, sur la plage au soleil couchant, au cours de laquelle chacun chante la liberté dans sa langue originelle, réunion universelle de chants des partisans, que d'aucuns trouveront très belle, qui m'a paru empesée et bien lourde.
Pour coller au canon du genre, les aficionados peuvent compter sur trois viols auxquels il faut ajouter le meurtre du bébé, l'exécution d'un enfant et la décapitation d'un indigène. De ce point de vue, la réalisatrice ne se démarque pas, ne laissant de place ni à l'imagination ni à la suggestion, empilant les scènes crues parfois inutiles (le premier abus) et surtout très longues pour un film qui aurait gagné à l'être moins. Qui plus est, la vengeance se transforme en recherche de libération du joug de l'oppresseur et n'offre pas, en retour des atrocités commises, la violence exutoire espérée. Cette intellectualisation, outre la faiblesse de son explication, détonne de la "pauvre fille" décrite pendant tout le film et du monde dans lequel elle évolue.
Enfin, ce long-métrage pesant est d'une déplorable lenteur dont il n'use ni pour approfondir la culture aborigène, survolée, ni pour affiner une mise en scène anodine, ni pour complexifier ses personnages monolithiques, ni pour mettre en valeur les paysages d'une île dont les deux-tiers sont inscrits au patrimoine de l'UNESCO.
Jennifer Kent peine à donner une cohérence à son mixe incongru de film de genre, inachevé, et de fable politique peu nuancée.