Amleth nous casse les oeufs

"The Northman" est un blockbuster aussi lourd que prétentieux.

Dans le sillage de Ridley Scott, Robert Eggers semble être des metteurs en scène pour qui "moyen-âge" rime avec "crasse et grisaille". C'est donc parti pour 2h20 d'images désaturées qui évoquent plus un filtre instagram qu'un quelconque naturalisme historique.

"The Lighthouse" nous l'avait déjà prouvé, Eggers est un formaliste obsessionnel. Tout comme pour Wes Anderson, les personnages sont des poupées qui se mettent entièrement au service du cadre, de longs plans séquences latéraux et de symétries iconiques. Et si la première demi-heure du film a de quoi intriguer en termes d'idées de réalisation, on se lasse vite tant les gimmicks sont centraux dans ce TRÈS long film.

Beaucoup louent les "belles images" du film mais on est en 2022 : tout le monde peut faire des "belles images" avec ce budget et c'est pas une fin en soi.

Eggers veut donner dans le "choc" : choc dans la forme, choc dans la violence, choc dans la mystique. Mais l'accumulation des plans séquences en clair-obscur, des séquences sanginolantes jusqu'au ridicule et des scènes hallucinées/hallucinatoires mène à l'indigestion.

Une fois qu'on s'est habitués aux tripes, aux décapitations, aux démembrements, aux sorcières et autres mystiques, eh ben on s'emmerde sec, parce qu'il n'y aura que ça à manger.

La musique n'est pas en reste puisque la BO consiste globalement en des percussions/des chants très graves et des violons dissonants qui ne marquent même plus à force de répétitions.

Pour le fond, on pourra repasser. Cette relecture de l'oeuvre de Shakespeare aurait pu marcher si le scénario avait tiré parti de ce "twist" familial, intéressant même si mal amené et mal joué (mention spéciale à une Nicole Kidman en roue libre totale). La vengeance sacrée aurait pu justement se retrouver désacralisée. Mais non, on a droit à une énième fin autour de la repentance, de l'accomplissement du destin, des dieux et tout le tralala.

On voit arriver les dilemmes et révélations à des kilomètres, ce qui est un peu bête pour un film que se veut tellement à contre-courant des productions Hollywoodiennes classiques.

Les interractions et actions des personnages sont rarement crédibles, l'alchimie entre Skarsgard et Taylor-Joy est inexistante, les dialogues sont explicatifs et ne sonnent jamais juste et on ne s'attache de toute façon à personne puisque le message semble être "regardez comme tout le monde est barbare, des gamins jusqu'aux veilliards".

Même si son formalisme ultra-poussé m'avait empêché de totalement adhérer à "The Lighthouse", je me disais qu'Eggers était sur la bonne voie et qu'il serait difficile de se rater avec un tel casting et une intrigue déjà si balisée. Je pensais qu'il pourrait nous livrer un film d'auteur, comprendre "un film avec une vision". Je n'ai eu que 2h20 d'esbrouffe devant les yeux.