The Northman confirme l’indéniable talent de Robert Eggers et l’originalité de son sillon indépendant creusé dans le paysage cinématographique contemporain. La réussite de son long métrage est avant tout technique, tant la virtuosité des plans-séquences et leur signification au sein du récit, les mouvements de caméra et la lisibilité de l’action s’avèrent soignés. Pour autant, le pari technique, ici relevé haut la main, échoue en partie à délaisser l’esthétique que l’on trouve en abondance dans les cinématiques de jeux vidéo, avec ces parties fantasmées séparant deux combats menés à la première personne.


Eggers confond alors l’outrance d’une époque, qu’il donne à voir par le prisme des origines et de leur histoire, avec l’outrance visuelle selon laquelle tout doit signifier, chaque image doit graver la rétine et imposer un élan épique. Le spectateur est l’otage d’un spectacle qui n’est impressionnant qu’en jouant la carte du chaos et de la confusion de l’espace et du temps. Il ne bénéficie pas assez des étapes initiatiques nécessaires au personnage principal, étranger ou maintenu à l’écart du fonctionnement du monde dans lequel il va évoluer – à l’instar, d’ailleurs, du nouveau gardien de phrase interprété par Robert Pattinson dans The Lighthouse (2019) ou de la jeune Thomasin dans The Witch (2015), tous les deux récits d’apprentissage et d’initiation au mal et à la folie – pour préférer le choc d’une reconstitution prise en étau entre l’Histoire et le rêve, sans parvenir à les entremêler.


La magie oscille entre l’ésotérisme et l’utilité narrative, elle ne se partage pas mais reste lisible, la faute à des dialogues pompeux ; elle demeure prisonnière de séquences réalisées à la chaîne et montées à part qui martèlent encore et encore la quête du héros. Et si celles-ci parviennent à diffuser une impression d’inquiétante étrangeté, elles perdent de leur puissance quand s’invitent voyeurisme et complaisance, à l’instar de l’union charnelle ridicule sous la lune. L’imagerie numérique dessert le film parce qu’elle illustre sans incarner ce récit des origines, un récit plein de borborygme et de cris d’animaux poussés sur fonds verts. Une curiosité imparfaite mais à voir en salles qui témoigne de la vigueur et de l’originalité du cinéma de Robert Eggers.

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le 16 mai 2022

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