The Offence
7.3
The Offence

Film de Sidney Lumet (1973)

1972, Sean Connery en a par dessus le noeud papillon d'incarner James Bond. Désirant écorner son image de grand séducteur, il démarche la United Artist, qui lui offre deux films indépendants en échange de Les Diamants sont éternels. L'un des deux, une énième version de Macbeth, ne verra jamais le jour. L'autre est The Offence, et on peut dire que la légende écossaise n'y est pas allé avec le dos de la cuillère.

1972. Dans une banlieue grise et anonyme d'une grande ville d'Angleterre. Le Sergent Johnson (Sean Connery), un policier brutal et moustachu, se lance aux trousses d'un violeur de fillettes. Très vite, un étrange individu (Ian Bannen) est arrêté. L'interrogatoire se met en place. Commence alors, pour les deux hommes, une véritable nuit d'horreur...

On est donc là face à un presque-huis clos, quelques séquences se passant tout de même dans cette Angleterre étouffante des années 70. Aux commandes, on a l'un de ceux qui a donné ses lettres de noblesse à cet exercice de style, avec le génial 12 Hommes en colère : Sidney Lumet. Gage de qualité, et ça se sent tout de suite. Narration explosée mais chirurgicale, des plans efficaces, maîtrise de l'espace à tomber (cette focale !).

Il fallait un tel maître pour mettre en scène une oeuvre aussi... sombre. Le mot est faible, tant aucun espoir, aucune lueur ne vient rassurer le spectateur dans cette histoire de pédophilie. Le scénario introduit le Sergent Johnson, qui dès les premiers plans apparaît comme un personnage barbare, violent et à la limite de la folie. La narration éclatée accentue, bien entendu, le rejet du spectateur envers ce personnage. La première séquence présente une tension extrême, filmée au ralenti, jusqu'à un plan fugace, Johnson debout, son suspect gisant à ses pieds, et des mots retentissants : "God, oh my god". A partir de là, on ne fera que suivre une véritable descente aux Enfers d'un personnage que Lumet, avec tout son talent de grand cinéaste, décide de rendre très ambigu dans les situations où il devrait, pourtant, être rassurant.
Quand il retrouve la petite fille, au fond des bois, le point de vue de la pauvre victime, en contre-plongée, le fait apparaître menaçant. De même, alors qu'il la secoure, l'enveloppe dans son manteau, la mise en scène met Johnson dans la position physique d'un violeur, la petite étant terrorisé et ne se laissant pas faire. La séquence se termine avec par Johnson, l'enfant dans les bras, illuminé par ses collègues policiers, comme l'est un suspect sur les lieux d'un crime. Ensuite, toute la séquence avec sa femme, où Connery joue un véritable contre-pied de 007. Rustre, iolent, insultant, cruel, le spectateur ne peut pas lui accorder une seule seconde de sympathie. Et, alors que sa rage s'extériorise un maximum, il allonge sa femme et se retrouve, encore une fois, dans la position du violeur.

Le sujet du film n'est cependant pas l'identité du violeur, il paraît clair que le Sergent Johnson n'a rien à se reprocher, mais plutôt la vie d'un flic qui en a vu des vertes et des pas mûres, sans avoir eu le temps de les digérer. Tout le problème de cet homme est là, ne veut pas se confier à sa femme qu'il rejette avec violence, avant de lui confier les atrocités dont il a été le témoin. Atrocités que le spectateur partage depuis avant cette séquence, pas le biais d'images subliminales utilisées, là encore, avec l'intelligence que seul un vrai artiste peut déployer.

Au milieu de ce conflit quasi schizophrénique, arrive un suspect, joué par l'excellent Ian Bannen. Est-il coupable ou non, le scénario se détache de cet aspect, pou se servir de c personnage comme d'un miroir pour Johnson. A travers lui, à travers la bête qu'il est sûr à 100% de tenir entre ses mains, c'est lui-même qu'il interroge, qu'il manipule, et finalement...

Un très grand film de plus, noyé dans la filmo de Lumet, l'un des cinéastes les plus honteusement méconnu. Ou pas assez reconnu...
Bavaria
9
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le 7 déc. 2010

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