Une chose est rare dans le cinéma, presque exclusive, c’est la production ET la distribution d’un film expérimental, et chose encore plus étonnante, qu’il réussisse à faire parler de lui. Il faut l’avouer, le tremplin Sundance a aidé aux Etats-Unis, de même que l’Etrange Festival en France. Tanzi Distribution, qui nous avait déjà fait profiter de l’excellent The Theatre Bizarre nous a donc dégoté celle pellicule extravagante, nous renvoyant aux esprits qui se sont fait un nom dans le genre. On retrouve du David Lynch pour le ton absurde et la narration non-linéaire, de même que du David Cronenberg pour les aspects les plus gores et vomitoires, et enfin du Brian De Palma pour les éclats de mise en scène à teneur hautement anxiogène. Cela étant, The Oregonian n’a aucun sens, et c’est ce qu’a recherché Calvin Reeder, qui s’est tenté à explorer son subconscient, des bribes de cauchemars, des songes éthérés, menés par une guide qui semble tout autant perdue que lui dans cette succession de séquences sans liens, ordonnées de façon anarchique, et pourtant pas déplaisantes.
Reeder semble aussi s’intéresser à ces vieux films de drogués des années 70, ces pellicules étranges comme The Trip avec Peter Fonda, du coup il tourne le tout en Super 16, ce qui donne un cachet indéniable au métrage (même les effets sont kitschs, avec des superpositions par transparence). Pas d’effets crades sur l’image, nous ne sommes pas chez le mauvais goût Made in Tarantino/Rodriguez.
Puis ce côté vintage est appuyé par ce décor rural un peu plouc façon Winter’s Bone, avec ses vieilles guimbardes qui tussent du 15 lites au 100, en plus de ses personnages saugrenus qui sont totalement perchés et font n’importe quoi tout en jouant de la guitare. Reeder ne se limite pas à multiplier les visuels qui renouvellent toujours la bizarrerie, il travaille le son avec une minutie presque lilliputienne, faisant grimper les chuchotements et bruits curieux avant de littéralement nous assourdir avec hurlements ou bruits stridents.
Reeder a, en plus de son talent indéniable à multiplier les excentricités, une actrice qui visiblement a compris où elle a foutu les pieds et porte son rôle avec une aisance qui lui semble inée.
The Oregonian ne trompe pas sur la marchandise, et la protagoniste le confirme au bout de la dixième minute en lâchant un « i’m losing my mind ». Evidemment, le public sera automatiquement divisé en deux groupes distincts, car c’est un genre avec lequel on ne transige pas. Si en revanche le style poisseux et les visions ubuesques vous attirent, foncez, car The Oregonian c’est une leçon constante de cinéma, même si bien-sûr, tout cela n’a rien à dire et sera ouvert à toutes interprétations, qui évidemment seront différentes d’un spectateur à l’autre.