The perfect candidate est un film saoudien. C'est le dernier film de Haifaa Al Mansour qui est la première réalisatrice de cinéma saoudienne. En Arabie saoudite, le cinéma est proscrit et les femmes ne sortent de l'ombre qu'à très petits pas et sur autorisation de leurs tuteurs dont le premier est leur père.
Maryam est une jeune femme saoudienne, aînée d'une fratrie de trois filles orphelines de mère. Leur père Abdulaziz/Khalid Abdulrhim est musicien professionnel dans un ensemble dont la mère des filles était la chanteuse. Abdulaziz est un libéral qui aime ses filles dont il suit les entreprises avec affection même s'il bougonne de temps à autre, menaçant à tout instant de faire un infarctus si elles ne le ménagent pas. Lui et ses compagnons musiciens gagnent leur vie en animant des fêtes de mariage et en donnant des cours de oud. En Arabie saoudite le musicien est un saltimbanque, autrement dit, même s'il gagne sa vie confortablement, il jouit de peu de considération. Abdulaziz touche le pompon : il est musicien donc pas grand chose, sa femme était chanteuse donc proche de la femme de mauvaise vie dans la hiérarchie sociale saoudienne, il a trois filles et pas de fils.
Selma/ Dae Al Hilali est la plus jeune des sœurs et Sara /Nourah al Awad la puînée. Maryam/Mila Alrahrani est médecin dans une clinique d'une petite bourgade ; Sara est photographe de cérémonies familiales ; Selma, encore au lycée, est à la fois leur première admiratrice et leur censeur. Dans cette maisonnée de jeunes femmes, les discussions sont animées et les projets fusent. A part quelques traditions, comme partager le repas assises en tailleur autour d'un grand plat, rien ne semble distinguer leur vie de la nôtre. Du moins dans le huis clos de la maison familiale.
Le père part en tournée, pour la première fois, avec le secret espoir d'être sélectionné pour participer un ensemble musical national. Rares images sur la vie publique en Arabie Saoudite que Haifaa Al Mansour a pu capturer et introduire dans son film.
Pendant l'absence du père, mais pas à son insu, Maryam entreprend un déplacement par avion pour Ryad afin de passer un entretien de recrutement dans un hôpital de la capitale. A l'aéroport, elle réalise que l'autorisation écrite de son père pour voyager n'est plus valable. Son père étant absent, elle est contrainte de trouver quelqu'un qui peut l'aider à contourner l'autorisation périmée ; elle pense trouver la solution en la personne d'un cousin haut placé qui s'occupe de réceptionner les candidatures aux prochaines élections municipales. Parce qu'elle est dans l'urgence et que pour forcer le barrage de la secrétaire du cousin, elle dit vouloir être candidate à cette élection. Elle devra renoncer à se rendre à Ryad, son stratagème ayant échoué, mais pour elle c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase : elle maintient sa candidature et fait campagne. Une femme candidate à une élection en Arabie Saoudite, même si la loi le permet désormais, sort de l'ordinaire mais surtout des habitudes locales.
L'histoire que raconte The perfect candidate a surtout valeur de documentaire sur la vie très peu connue dans un pays qui reste encore fermée aux regards extérieurs. Une campagne électorale locale ou une fête familiale, ce sont d'abord des rassemblements, des occasions de rompre une monotonie de la vie quand le spectacle au sens occidental du terme n'existe pas vraiment et en est encore à ses premiers balbutiements. Peu importe le prétexte du rassemblement, pourvu qu'on se retrouve et qu'on passe un moment ensemble pour se réjouir. Il va de soi que les hommes et les femmes ne sont pas dans la même salle et ne se réjouiront pas de concert.
Nous assistons à une réunion électorale pour femmes avec un défilé de mannequins portant les plus belles créations d'abaya. Le vêtement est la seule attraction et le discours de la candidate n'est écouté par personne. La réunion électorale pour hommes, avec la candidate installée sous une tente voisine séparée et qui s'adresse à un auditoire sur écran, ne manque pas de sel. Surtout quand la candidate renonce au micro et à la caméra pour aller dire leur fait aux ronchonneurs.
Un malade refuse d'être examiné par une femme médecin et va jusqu'à refuser de la regarder en face car elle ne porte pas le niqab. Il ne consent à l'examen qu'en étant sous anesthésie générale. C'est une situation cocasse dont la gent masculine saoudienne ne sort pas grandie.
Haifaa Al Mansour traite les situations de la vie quotidienne avec un certain humour. Elle nous invite à le partager sans jamais tomber dans une caricature qui ferait trop plaisir aux ethno-centristes de tout poil, mais sans rien céder sur le fond. Elle fait partie des femmes saoudiennes qui souhaitent faire évoluer les traditions et les moeurs de leur pays. Le père et ses compagnons musiciens sont assez loin de l'image que certains aiment entretenir de l'homme saoudien et qui alimente nos préjugés.
Maryam porte parfois le niqab qui ne laisse voir que ses yeux et son regard ; à d'autres moments elle est en cheveux et son visage est apparent. Dans les deux apparitions elle est belle. Et elle n'a rien de commun avec les créatures fantomatiques, qui revêtues du niqab et d'une abaya, aiment de temps à autre, aux heures de grande affluence, déambuler dans une rue piétonnière à la recherche de toutes les provocations.
Je me garderai bien de parler aux noms de tous les mecs et encore moins des filles. D'ailleurs, je me garderai même de parler au nom de qui que ce soit et me contente de parler en mon nom propre. Je ne préconise pas le port du niqab ou son interdiction en m'insérant dans un débat qui n'a pas sa place ici aujourd'hui.
Le ou la covid, comme il vous plaira, exige le port du masque pour nous protéger les uns les autres, les uns des autres, que cela nous plaise ou nous déplaise. Ce n'est pas toujours agréable, mais toujours plus confortable que s'il fallait porter un scaphandre, même réfrigéré.
Ce qui me déplaît le plus dans cette affaire de masque, c'est que je ne vois plus le visage et le sourire des filles. C'était mon premier sentiment ces dernières semaines. Puis j'ai réalisé qu'elles m'offraient leurs yeux et leur regard et cela m'a beaucoup plu. Bien sûr que les filles ont d' beaux yeux et nous n'avons pas besoin de Jean Gabin pour nous le dire, ni de Michèle Morgan pour nous le prouver. Elles avaient déjà de beaux yeux avant le port du masque, nous le savions, mais peut-être avions-nous oublié de nous attarder sur eux et notre regard était-il plus vagabond. Le masque anti-covid et le niqab nous confrontent à quelque chose de très voisin et nous invitent à la relativité, n'en déplaise à...