La réalisatrice Haifaa Al-Mansour nous propose une belle comédie dramatique au ton politique. Avec intelligence et rythme, elle filme le combat d’une jeune femme Saoudienne engagée dans des élections locales.


En 2012, Wadjda marquait l’histoire du cinéma moyen-oriental. Le film de Haifaa al-Mansour était non seulement le premier film entièrement tourné en Arabie Saoudite, mais aussi le premier long métrage d’une réalisatrice saoudienne. Le film racontait l’histoire d’une jeune fille de 10 ans qui participe à un concours de lecture du Coran pour pouvoir acheter un vélo avec l’argent du prix. Après quelques projets en langue anglaise, dont son biopic sur Mary Shelley en 2017 et Nappily Ever After pour Netflix un an plus tard, Al-Mansour est aujourd’hui de retour dans son pays natal, l’Arabie Saoudite, avec son dernier film, The Perfect Candidate qui sort sur les écrans français ce mercredi 12 aout. Ce film, qui a été présenté officiellement par l’Arabie saoudite aux Oscars 2020 dans la catégorie du meilleur film international, raconte l’histoire d’une femme médecin de petite ville qui se décide de se présenter aux élections locales pour aider sa communauté.
Al-Mansour et son co-scénariste Brad Niemann présentent un drame social à l’action solide et bien mené en tous points qui n’a pas peur d’aborder des sujets encore considérés comme tabous dans un pays où, malgré les progrès récents, les femmes sont encore largement sous-représentées, voire maltraitées.


Alors que Maryam est présentée comme une personne férocement moderne et déterminée à renverser le patriarcat par tous les moyens nécessaires, la cinéaste prend également soin de ne pas présenter un dénouement irréaliste à sa situation et choisit inversement de rester au plus près de son sujet. C’est ainsi que nous avons le bonheur d’explorer les tenants et les aboutissants d’une société qui ne cesse d’avancer mais qui se heurte irrémédiablement à des obstacles majeurs en particulier quand il s’agit de la condition et de la place de la femme. Loin de présenter une vision totalement pessimiste de la situation actuelle, The Perfect Candidate offre une lueur d’espoir que le changement exige de toute une société qui veut avancer dans la bonne direction.


La réalisatrice choisit ainsi par exemple d’ouvrir son film sur un plan de Maryam au volant de sa voiture bleue. Elle explique so choix ainsi : « Toutes les avancées survenues récemment pour les femmes en Arabie saoudite sont importantes et représentent des bouleversements majeurs pour la région. C’est pour cette raison que j’ai choisi de commencer le film avec le personnage principal au volant d’une voiture. C’est une chose qui aurait semblé impossible il y a encore un an ». Il faut en effet savoir que l’interdiction pour les femmes de conduire une voiture a été levée par le royaume le 14 juin 2018. C’était le dernier pays au monde à appliquer une telle loi. Depuis, des dizaines de milliers de saoudiennes ont pu passer leur permis, même si, malgré tout l’apprentissage de la conduite reste en moyenne six fois plus cher pour elles que pour les hommes. Un bilan clairement en demie-teinte, mais qui reflète assez bien l’état des droits des femmes dans le pays. On notera l’intelligence de la cinéaste qui conclut sur un autre plan de la voiture de Maryam, seule tâche de couleur dans une marée de véhicules blancs. Alors, au milieu de l’écran, l’image se retrouve comme coupée en deux par le mât du drapeau saoudien; une proposition qui nous laisse en tête métaphoriquement la double nature de la société saoudienne, encore dans l’étau entre tradition patriarcale et modernité.


Avec un humour bien placé et toujours beaucoup de justesse, al-Mansour parvient à éveiller les consciences en douceur mais avec surtout un maximum d’efficacité. Finalement et malgré le contexte si particulier de l’histoire, la force de The Perfect Candidate réside paradoxalement dans l’attrait universel de son message. C’est un véritable retour en forme pour la réalisatrice saoudienne qui est clairement dans son élément avec ce genre de récit politique.

GadreauJean-Luc
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le 20 sept. 2020

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