La mise en scène orchestrée par Sophie Fiennes pour glisser le philosophe slovène hégélien très influencé par la psychanalyse Slavoj Žižek dans les décors des films qu'il commente aide manifestement beaucoup à rendre le discours moins austère, moins sentencieux, et plus drôle aussi, dans une certaine mesure. On le voit errer dans des décors de "Taxi Driver", "Orange Mécanique", "Full Metal Jacket" ou encore "Zabriskie Point", qu'ils soient réels ou reconstruits sommairement, et disserter sur ce qui nous est désigné comme le sens caché ou profond des films en question, supposément loin de la surface des choses. Ce n'est donc pas vraiment surprenant que "They Live" de Carpenter ait été choisi pour démarrer l'entreprise de déconstruction, avec un long laïus (pas très informatif pour qui connaît bien) sur ce qui se cache derrière les apparences.
Rien de fou, pas d'essai pénétrant, pas de révélation fulgurante, pas de vision nouvelle et iconoclaste. Slavoj Žižek se contente de passer en revue une trentaine de films très connus, de manière un peu aléatoire, et d'en extraire le contenu idéologique et politique sous-jacent, en passant par la propagande nazie, communiste ou états-unienne.
Il s'intéresse à des contenus politiques parfois assez drôles, comme l'appel caché à l'émancipation dans le très religieux "The Sound of Music" de Robert Wise, il nous fait une petite analyse psychanalytique de publicités comme Coca Cola ou de produits comme le Kinder Surprise ("avec des objets probablement fabriqués dans des goulags chinois"), il établit des parallèles entre des scènes de rivalités de West Side Story et les révoltes urbaines anglaises du XXIe siècle, il met en lumière des connexions entre "Taxi Driver" et "The Searchers" pour l'étendre au cas des guerres américaines en Irak ou au Vietnam, sur le thème de l'imposition de sa morale et de son aide (ingérence) à l'extérieur. Il s'intéresse aussi aux représentations du requin dans "Jaws" ou des figures sociales (la mère seule et les problèmes de délinquance) relayées dans les médias britanniques, ou de l'intérêt du groupe Ramnstein pour déconstruire les motifs nazis.
On parle aussi du produit Starbucks qui inclut dans le prix (élevé) la bonne conscience, avec un passage bien positionné du "Seconds" de Frankenheimer et forcément une référence à "Zabriskie Point". Il se fait plus drôle quand il expose la vacuité de l'Ode à la joie de Beethoven (car utilisée par à peu près tous les pays, toutes les idéologies), avec son accent étranger très important. Pas mal de lieux communs dans le tas, mais c'est sans doute un documentaire à destination de gens sensibles à ces thèmes qui n'ont pas une connaissance affirmée du cinéma.